Réforme des pensions : un premier pas dans la bonne direction
communiqué de presse du MOC 31/01/2022
En septembre, la ministre Karine Lalieux avait dévoilé ses premières intentions pour la réforme des pensions. En ce début d’année, cette dernière est mise en discussion au Conseil des ministres.
Sur cette base, le MOC relève des changements positifs par rapport aux orientations prises par le gouvernement précédent et par son ministre des Pensions. Rétablir la confiance et la lisibilité des réformes plutôt que susciter des craintes pour l’avenir des pensions ainsi que le retour à la concertation sociale et à l’implication des organes consultatifs est une réorientation que nous soutenons absolument.
De plus, nous saluons la volonté de la ministre d’améliorer le taux de remplacement (notamment par une hausse du plafonnement salarial des pensions), de « moderniser » le système en prenant en compte des évolutions familiales et sociales(1), et de réduire les inégalités entre hommes et femmes. Reste que cette volonté doit se traduire dans des propositions ambitieuses qui permettent effectivement d’améliorer la vie des pensionné(e)s actuels et futurs.
Dans sa position adoptée en 2016, le MOC fait un grand nombre de propositions pour une réforme globale de moyen terme, y compris concernant le financement : des réformes fiscales pour plus de justice contributive, des réductions de cotisations patronales plus ciblées et moins coûteuses, et un développement économique orienté vers le bien-être et la transition écologique. Certaines propositions ministérielles vont dans le bon sens même si elles sont insuffisantes. C’est le cas de l’assouplissement des conditions d’accès à la pension anticipée, d’une meilleure prise en compte des emplois à temps partiel et des carrières courtes pour la pension minimum, de l’intention de prendre en compte certains types d’emplois qui aujourd’hui ne permettent pas de se constituer des droits à une pension et de l’augmentation de la durée du droit à l’allocation de transition pour les jeunes veuf(ve)s et la garantie d’un minimum d’allocation.
Toutefois, des éléments fondamentaux n’ont pas été évoqués : l’âge légal de la retraite qui devrait rester à 65 ans, celle de la durée de carrière complète qui devrait être réduite à 40 années, ou encore la mise en place de critères de pénibilités afin de permettre de prendre sa pension plus tôt et d’avoir accès à certains dispositifs de fin de carrière. On sait à cet égard que la pénibilité d’emplois à prédominance féminine n’est souvent pas reconnue. L’allongement des carrières et l’abandon de la question des pénibilités auraient pour conséquence d’accélérer l’augmentation déjà préoccupante du nombre de personnes en invalidité, alors que le gouvernement vient de décider de mesures supplémentaires touchant les personnes en invalidité dans le cadre du budget 2022.
Le MOC tient enfin à souligner les dangers de certaines propositions annoncées :
– La généralisation du 2e pilier (pension complémentaire) à minimum 3% de prime sur le salaire brut tel que prévu par l’accord de gouvernement, ne peut se faire qu’au détriment du financement du 1er pilier en raison du manque à gagner résultant des avantages fiscaux et moindres cotisations accordés(2). Or, la priorité absolue doit être donnée au relèvement de la pension de sécurité sociale, car c’est le système le plus solidaire, transparent et garantissant à terme des pensions décentes. Par ailleurs, cet objectif contraste avec la limitation à 0,4% de l’augmentation des salaires sur deux ans par le gouvernement ;
– La condition de 10 années de travail effectif pour accéder à la pension minimum remet implicitement en cause le principe des périodes assimilées(3) (de chômage, d’invalidité, de crédit-temps, de prépension (RCC) par exemple) ;
– La pension à temps partiel ne permet plus de se constituer des droits à la pension contrairement à d’autres modalités de fin de carrière(4) (qui ne seront toutefois pas remises en cause suivant l’accord de gouvernement).
Il faut rappeler l’objectif premier du système des pensions : préserver la santé des travailleurs et travailleuses plus âgé·es et assurer une fin de vie digne lorsqu’on ne travaille plus. Il ne peut être le prolongement des politiques d’emploi. La réforme des pensions est un chantier à reprendre résolument pour améliorer le système et l’adapter à diverses évolutions et pour ne pas laisser les assurés sociaux dans l’expectative quant à la viabilité financière du système et à l’avenir de leurs droits. Elle mérite bien évidemment un large débat démocratique.
1 En ce qui concerne la pension de ménage, de divorcé et de survie (droits dérivés) et notamment l’enjeu de l’individualisation des droits.
2 Selon le Bureau du Plan, le manque à gagner fiscal s’élève à 3,5 milliards. La Cour des comptes a quant à elle chiffré le manque à gagner en cotisations sociales à 866,5 millions (régimes des salariés et des indépendants).
3 Censées valoir autant pour la pension qu’une période prestée
4 Le crédit-temps à temps partiel et les emplois de fin de carrière par exemple qui permettent aussi de continuer à travailler à temps partiel.