Une cinquantaine de travailleurs sociaux se sont penchés sur les enjeux du travail social face à l’immigration
Une cinquantaine de travailleurs sociaux s’étaient donnés rendez-vous, le jeudi 9 mars, pour la journée d’étude « Interculturalité, radicalisation, intégration… Le travailleur social sous pression » organisée par le CIEP/MOC de Liège. Que ce soit au niveau de certains services de la CSC qui a accueilli cette journée, de la Mutualité Chrétienne, de nombreux ateliers et groupes mis en place par Vie Féminine, de nos centres de formation AlterForm à Sclessin et AGORA dans le quartier St Leonard ou encore de l’école de devoir Graines de Génies à Seraing…
Etant donné l’actualité et nos objectifs en tant que mouvement social, de plus en plus les organisations et centres de services du MOC travaillent au quotidien avec des publics issus de l’immigration.
C’est pourquoi nous avons décidé d’organiser cette journée à la demande et sur base de l’expérience et des difficultés de personnes qui travaillent dans ces différentes composantes du MOC. Il s’agit donc d’une journée « sur mesure » que nous avons décidé d’ouvrir plus largement étant donné l’intérêt qu’elle pouvait avoir.
Pour être sûrs de cibler au mieux nos besoins, nous nous sommes tournés vers des spécialistes du CERSO, Centre de Ressource pour le Social, qui nous ont aidés à faire en sorte que cette journée réponde au mieux à nos attentes et, nous l’espérons, à celles de tous ceux qui y ont participés.
Rencontre avec des spécialistes
La matinée, rythmée des interventions de différents spécialistes, avait pour objectif principal d’apporter un éclairage théorique aux différentes problématiques susceptibles d’être rencontrées sur le terrain. En guise d’introduction Régis Simon, Directeur du CRIPEL (Centre régional d’intégration des personnes étrangères ou d’origine étrangère de Liège), présentait le parcours d’intégration des primo-arrivants, s’arrêtant sur les contradictions et les difficultés potentielles rencontrées durant ses différentes étapes.
Avec Michaël Privot, islamologue et directeur du réseau européen contre le racisme (ENAR), les participants se sont interrogés sur le rapport des musulmans à la société actuelle, sur l’identité musulmane, ainsi que sur les comportements liés à la pratique de l’Islam (rapports de genre, interdits alimentaires…).
Mobilisant une approche anthropologique, Michaël Privot a abordé ces problématiques et interrogé les pratiques actuelles de l’Islam en les replaçant dans un contexte historique et sociétal s’étendant du début de notre ère à aujourd’hui.
Daniel Martin, directeur du Centre Régional d’Intégration de Verviers (CRVI), plaidait quant à lui pour « une remise en question sans concession » de l’approche des publics immigrés. Ayant choisi comme socle de son intervention le traitement médiatique trop souvent caricatural et alarmiste de la « crise migratoire », Daniel Martin désirait dénoncer les amalgames et prôner une vision de l’intégration diamétralement opposée au concept d’assimilation.
Il a souhaité insister sur les dimensions politiques et socio-économiques du travail social, trop souvent mises de côté au profit de l’émotion. Il est en effet primordial, selon lui, de sortir de l’« émocratie » un terme choisi par opposition à celui de démocratie et visant à illustrer les mécanismes d’une société dominée par les émotions : peur, envahissement, rejet…
Il a enfin fait état de l’immense pression pesant sur les travailleurs sociaux, celle-ci découlant de divers facteurs : le métier de plus en plus pensé et perçu comme un instrument de contrôle social, le secret professionnel compromis, la responsabilité incombée aux travailleurs sociaux de prévenir, voir repérer les phénomènes de radicalisation…
Globalement, les réactions de l’assemblée furent nombreuses, parfois vives, démontrant à la fois l’importance de l’enjeu et la pertinence de la thématique.
Se rencontrer et réfléchir ensemble
L’après-midi, les participants se sont vu divisés en quatre groupes de travail. Animés par un professionnel, les ateliers avaient pour but de permettre à chacun d’exprimer ses expériences, ses questionnements, ses difficultés face à la complexification du travail social. Chaque participant était ainsi invité à exprimer son ressenti sur les interventions du matin, puis à faire partager au groupe une anecdote de terrain pouvant servir de socle à une réflexion collective. Sur ces bases, les travailleurs sociaux ont mené ensemble une réflexion approfondie sur les enjeux de leur travail face à l’interculturalité, l’intégration, les rapports entre collègues, les rapports aux institutions… L’animateur du groupe a, pour terminer, dispensé un certain nombre de conseils visant à aider les travailleurs au quotidien.
Pour conclure la journée, les participants ont souhaité mettre l’accent sur la satisfaction que leur avait procuré le fait de pouvoir s’exprimer, se rencontrer, se sentir compris, solidaires et reconnu dans leur travail.