COMPTE-RENDU de la visioconférence du mardi 26 janvier 2021 | « Les Golden Sixties en Belgique, quel héritage ? »

Voici le compte-rendu de la visioconférence du 26 janvier consacrée à la Belgique des « Golden Sixties » :

Elie Teicher, doctorant en histoire, est venu nous parler de la Belgique des années 1960, la fameuse décennie des « Golden Sixties », généralement perçue comme une période de prospérité, de croissance économique et de bien-être social. Ce mythe des Golden Sixties, considérée comme une période de progrès et de concertation sociale, est aujourd’hui bien ancré dans la mémoire collective belge.

Au cours de son intervention, Elie Teicher a eu l’occasion de relativiser cette période considérée comme un « âge d’or ». Force est de constater qu’elle a en réalité été mythifiée après le tournant néolibéral et austéritaire des années 1970 et surtout 1980.

Cette décennie a d’ailleurs été marquée par des événements majeurs. Elle débute par l’indépendance du Congo et par la « grève du siècle » déclenchée par le projet de « Loi unique » du gouvernement dans le but d’assainir les finances publiques. Cette loi déclenche le plus grand conflit social en Belgique depuis la Seconde Guerre mondiale. Et pour cause, elle s’en prenait directement aux travailleurs car le gouvernement attaquait de front la sécurité sociale instaurée après la guerre via le « Pacte social ». Sans ordre des hiérarchies syndicales, des travailleurs, et tout particulièrement les affiliés de la FGTB, déclenchent alors une grève qui prend rapidement des allures d’insurrection. Malgré cette forte mobilisation dans la rue du côté socialiste, la Loi unique est adoptée par les Chambres.

Cette période commence donc par un événement majeur qui marque les esprits. Toutefois, cette décennie est aussi caractérisée par un rebond économique et un taux de croissance qui augmente. Par ailleurs, la concertation sociale entre les syndicats et les patrons, aussi instaurée grâce au Pacte social, s’intensifie et atteint sa maturité. De nombreuses conventions collectives de travail sont établies et aboutissent à une augmentation des salaires.

Ces éléments ne doivent néanmoins pas cacher les difficultés de cette période. Comme le souligne Michel Loriaux (ancien Professeur au Département de démographie de l’UCL), une inquiétude manifeste est aussi présente à l’époque quant à la question du vieillissement de la population wallonne (cf. rapport du grand démographe français Albert Sauvy). En outre, les années 1960, sont certes celles de la concertation sociale mais Elie Teicher rappelle que cette affirmation doit être nuancée. Dans les faits, des travailleurs ou des secteurs d’emplois sont en réalité mis de côté. Afin d’appuyer son propos, Elie Teicher pointe le cas des femmes, des immigrés ou encore des mineurs. Cela crée des mouvements de contestation en dehors des syndicats et parfois même contre les syndicats. Par exemple, les femmes de la FN manifestent en 1966 pour une augmentation salariale et de meilleures conditions de travail mais un mécontentement existe aussi à l’encontre des délégués masculins qui ne prennent pas forcément en compte leurs revendications. Dans la lignée de ce constat, Anne-Marie Balthasar, qui s’est engagée dans le milieu syndical non-marchand en 1966, témoigne de son combat en faveur d’une reconnaissance de la place des femmes au sein même des structures de la CSC mais aussi dans les concertations et dans les actions.

Au final, quel héritage avons-nous aujourd’hui des Golden Sixties ? Très clairement, nous avons une vision mythifiée des années 1960. Cette période s’avère en réalité difficile pour de nombreux acteurs. Nos intervenants ont notamment souligné le cas des femmes. Toutefois, force est de constater que soixante ans plus tard, la lutte pour une égalité salariale et sociale est toujours d’actualité. Comme l’a souligné l’ancienne présidente de la CNE Arlette Puraye, la société a évolué et nous sommes en conséquence confrontés aujourd’hui à une évolution de l’action syndicale. Le fer de lance des syndicats, qui était l’industrie dans les années 1960, est désormais le secteur non-marchand. Il s’agit ainsi, à l’avenir, de se battre mais aussi d’interpeller et d’associer les jeunes dans cette lutte commune tout en trouvant le mode de mobilisation idéal pour nos réalités contemporaines.

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