Climat : Copenhague est un échec !
70 militants de la CSC et du MOC ont participé au sommet climatique de Copenhague pour réclamer un accord sur le climat juste, ambitieux et contraignant. Si le texte final est très loin de répondre aux attentes des ONG et du mouvement ouvrier, l’importance des enjeux ne laisse pas d’autres choix que de se mobiliser à nouveau pour arriver rapidement à un accord plus contraignant. Pour faire le bilan de ce sommet, nous avons rencontré Dominique Linotte, permanent interprofessionnel de la CSC Liège-Huy-Waremme, de retour de la capitale danoise. Comment juges-tu l’accord sur le climat conclu à Copenhague ?
En fonction des attentes que l’on avait au départ, on jugera plus ou moins sévèrement cet accord. Il faut d’ailleurs dire que les discussions qui ont eu lieu avant le sommet de Copenhague n’auguraient rien de bon. Mais ne tournons pas autour du pot, en l’absence d’objectifs contraignants concernant une limitation des rejets de CO2, cet « accord » est un échec. Ceci étant dit, nous n’avons pas le choix : il faut se remettre au travail, faire pression à nouveau pour qu’un nouvel accord avec, cette fois-ci, des objectifs chiffrés et concrets puisse être signé rapidement.
Néanmoins, y a-t-il des aspects positifs à cet accord ?
Le point positif est que la déclaration finale affirme la nécessité de limiter le réchauffement climatique à 2°C, ce qui valide la position scientifique. C’est important. Il n’y a pas eu de rupture qui remette en cause la nécessité de réduire nos émissions de CO2. Cet accord va permettre de continuer à négocier pour aller plus loin que ce que nous avons obtenu aujourd’hui. Mais par rapport à l’urgence des enjeux du réchauffement climatique pour la planète et ses habitants, ce n’est pas suffisant et le bilan global de Copenhague est largement insatisfaisant.
Quelles étaient les principales revendications du mouvement syndical lors de ce sommet ?
Il faut d’abord rappeler pourquoi le mouvement syndical a pris à bras le corps la problématique du réchauffement climatique. Premièrement, si on n’arrive pas à maîtriser le problème de l’augmentation de la température, les conséquences climatiques vont engendrer de nombreux problèmes sociaux dont on sait que ce sont les plus faibles qui vont payer le plus fortement les conséquences. Nous avons eu un avant-goût de ce que cela pouvait donner avec l’ouragan Katerina à la Nouvelle Orléans. Deuxièmement, la transition vers une économie « bas carbone », c’est-à-dire moins gourmande en énergie fossile, va engendrer de profondes transformations qui auront des conséquences directes sur l’emploi et va nécessiter un accompagnement social vis-à-vis des travailleurs qui risquent de perdre leur emploi, même si, par ailleurs de nouveaux emplois vont être créés. Un travail important est donc aussi à mener au niveau de la formation pour que les travailleurs puissent s’adapter à ce nouveau contexte. Lors de la manifestation internationale du 12 décembre à Copenhague nous avons voulu rappeler que le climat, l’emploi et la justice font partie du même combat. Nous voulons que la transition socio-économique qui va se faire, car elle se fera, soit juste Et cela passe par un accompagnement social important pour que les mesures qui vont être prises ne retombent pas sur le dos des travailleurs.
Sans entrer trop dans les détails, quels sont les grands changements à venir au niveau de ce nouveau développement économique ?
Tout d’abord, il faut avoir en tête les recommandations du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) qui sont très ambitieuses puisqu’elles préconisent, pour 2050, de réduire au niveau mondial de 50% les émissions de gaz à effet de serre, ce qui suppose une réduction de 80 à 95% pour les pays industrialisés ! Concrètement, cela va entraîner des changements fondamentaux dans trois directions principales : notre façon de produire (mode de production), notre façon de consommer (mode de consommation), notre façon de se déplacer (mode de transport). Par rapport à cela, le GIEC apporte aussi une série de mesures très concrètes permettant de réduire les émissions de CO2 sans modifier nécessairement notre niveau de confort, et ce à partir de techniques qui existent déjà. Le plus bel exemple sont les énormes efforts à faire en Belgique en matière d’isolation des bâtiments. Les entreprises vont aussi devoir s’adapter et modifier leur technique de production pour prendre en compte les enjeux environnementaux. Une entreprise qui, aujourd’hui, ne s’occupe pas d’environnement est une entreprise condamnée à moyen terme. Quant à la problématique du transport, en plus des contraintes environnementales à venir, la raréfaction des énergies fossiles va inévitablement influencer notre façon de se déplacer en raison d’une hausse probable des prix à la pompe.
Face au défi climatique, la réponse technologique est-elle suffisante ?
Ce nouveau modèle de développement va aussi entraîner des modifications de comportements. Les défenseurs de la décroissance parlent de créer « plus de lien » plutôt que « plus de bien ». Néanmoins, il faut quand même faire très attention car une partie de la population n’a pas encore accès au minimum de bien nécessaire pour un minimum de confort. Je serai donc tenter de dire la décroissance oui, mais pas pour tout le monde. Si on prend le problème de mobilité, on ne peut pas construire des zonings industriels au bout du monde qui ne sont pas desservis par les transports en commun et culpabiliser les travailleurs de prendre leur voiture.
Revenons à Copenhague, qu’est-ce qui t’a le plus marqué lors la manifestation à laquelle tu as participé ?
J’ai été surpris par l’accent social fort mis en avant lors de la manifestation. Je constate que les ONG environnementales ont bien intégré la dimension sociale dans leurs revendications par rapport au climat, tandis que les ONG sociales, comme OXFAM, ont intégré de leur côté le volet environnemental. Il y a aujourd’hui un consensus large sur le fait que les politiques climatiques doivent être un moteur de progrès social. Plus que jamais, la lutte contre les inégalités et les progrès écologiques sont liés. Cela fait 30 ans que je mène ce combat pour lier enjeu social et environnemental. La forte mobilisation syndicale, ces rencontres effectuées tout au long de ce voyage que ce soit dans le train qui nous a mené à Copenhague ou sur place avec les délégations étrangères, sont des signes d’encouragement pour faire changer les choses. Comme anecdote, je retiendrai que le lendemain de la manifestation, nous avons fait la « Une » des quotidiens danois avec une photo de la manifestation où on voit très clairement les revendications de la CSC. Lorsque l’on sait que nous étions 70 parmi 100.000 manifestants, c’est une belle performance !