Vœux 2016 du MOC de Liège | Plus d’engagement pour plus de démocratie !
A bien des égards, 2015 restera comme une année noire s’il s’agit de compiler les événements qui ont marqué l’actualité sociale, politique et internationale.L’énumération fait malheureusement froid dans le dos :
Sur le plan belge, le gouvernement Michel a accumulé les attaques frontales vers ce modèle social que nous avons mis des décennies à construire. Dès le premier janvier, même s’il s’agissait d’un héritage du gouvernement précédent, entraient ainsi en vigueur la dégressivité des allocations de chômage et la limitation dans le temps des allocations d’insertion. Ce n’était que le début d’une longue série de mesures injustes et inefficaces. En un mot : des mesures dogmatiques imposées malgré la mobilisation syndicale la plus forte depuis l’après-guerre. Citons en vrac : le saut d’index, le recul de l’âge de la pension, le tax shift « à l’envers », les coupes dans le budget des soins de santé, la diminution du montant de l’allocation de garantie de revenus,… En bref, un détricotage généralisé de la sécurité sociale couplé à un désinvestissement dans les services publics, avec, en point de mire, les plus fragilisés : allocataires sociaux, chômeurs, malades, jeunes, femmes, étrangers,…
Sur le plan européen, ce qui a marqué les esprits, c’est l’incapacité de l’Union européenne à envisager des solutions durables et solidaires dans deux crises majeures : celle de la crise de la dette grecque et celle de l’accueil des réfugiés.
Sur le plan mondial, pointons, en cette fin d’année, la COP 21 et son accord certes ambitieux mais dont l’absence de contrainte quant à la réalisation des objectifs peut faire craindre le pire.
Enfin, comment ne pas finir ce bref regard dans le rétroviseur sans évoquer le terrorisme qui, s’il sévit à travers le monde depuis tant d’années, a cette fois pris pour cible Paris à deux reprises, faisant de nombreuses victimes à quelques dizaines de kilomètres à peine de chez nous.
Comment ne pas, non plus, évoquer les réponses sécuritaires adoptées par notre gouvernement. Des réponses qui constituent un réel danger pour nos libertés. Ces mêmes libertés qui sont attaquées de front par l’avancée, toujours en France, d’une vague bleue marine des plus nauséabondes.
Au niveau social, économique, politique, sécuritaire, ce sont les valeurs mêmes de notre modèle démocratique qui sont interrogées, malmenées, secouées.
Dès lors, comment entamer cette année 2016 avec un message positif, mobilisateur, porteur d’espérance ?
Comment en tant que mouvement social, et en tant qu’individus, appréhender les enjeux colossaux qui se présentent face nous ?
Une année d’élections
L’un des rendez-vous clé de l’année à venir, ce sont les élections syndicales et mutualistes. Elles peuvent sembler dérisoires pour certains au vu du tableau dressé ci-avant…
Au contraire, elles sont essentielles. Car elles sont ni plus ni moins que l’un des fondements de ce système démocratique attaqué de toutes parts.
Avant toute chose, les élections sociales et mutualistes sont la preuve de la pleine légitimité démocratique des organisations syndicales et mutualistes et, plus globalement, des mouvements sociaux. Cette démocratie sociale, au même titre que la démocratie parlementaire, est un rouage de notre société qu’il s’agit de défendre bec et ongle. Il s’agit de renforcer leur complémentarité, pas de les opposer.
Ces élections sociales, ce sont aussi un signal fort. Celui de la capacité et de la volonté des citoyens et travailleurs de s’engager et de se mobiliser avec vigueur dans des organisations sociales. Pour rappel, il y avait 62.000 candidats sur les listes pour la CSC en 2012 sur un total de 128.000 ! Ces chiffres seront à peu de choses près identiques pour 2016. Au niveau de la Mutualité chrétienne, il y avait près de 2700 candidats lors des élections de 2010. Gageons que le début de l’appel à candidature, le 21 janvier prochain verra une nouvelle salve de volontaires se manifester.
Cet engouement traduit une volonté collective d’engagement social, de défense et de promotion des droits, d’engagements concrets pour la solidarité,… Soyons en fiers !
Plus globalement, il s’agit ici de souligner l’importance de la société civile organisée et de son action comme composante indispensable à une démocratie saine et solide.
Aujourd’hui, les contre-pouvoirs et les expressions collectives alternatives sont menacés. Il est de notre devoir de rappeler sans cesse que la démocratie, c’est également l’acceptation du conflit des opinions.
A ce sujet, il est intéressant de lire le philosophe Alain Deneault et son récent ouvrage « La médiocratie ». Il y dénonce l’idée que ceux qu’il appelle « les médiocres » ont pris le pouvoir au moment où l’on a transformé la politique en culture de la gestion. Cet art de la gestion, il l’appelle « gouvernance ». Pour lui, l’avènement de la médiocratie est à lier à la révolution libérale qui s’est produite dans les années 80. La gouvernance mise en place par les technocrates de Margaret Tatcher a transformé l’ultralibéralisme en une approche réaliste. Il en découle que l’option de l’ultralibéralisme n’est plus une option, mais quelque chose d’aussi normal que de respirer. La gouvernance a réussi à déguiser l’idéologie ultralibérale et ses dérives d’austérité en savoir, en mode de vie en société, comme si c’était le socle à partir duquel on devait délibérer, alors que ça devrait être l’objet même de la délibération…
En tant que mouvement social, nous devons le crier haut et fort : il existe une alternative ! Celle-ci se construit tantôt dans l’expression radicale de nos divergences avec cette pensée unique, tantôt dans les mécanismes de concertation qui font que notre pays est, malgré ses difficultés, l’un des pays qui résiste le mieux aux crises économiques et financières de ces dernières année.
Les 3 attaques du gouvernement fédéral
Pourtant, le gouvernement fédéral, décomplexé par la présence de la NVA, n’hésite pas à mener une politique qui vise à délégitimer voire même à écarter les structures sociales intermédiaires que sont les syndicats et les mutuelles et, partant, à mettre à mal la concertation sociale. Ce qui risque d’entraîner une société plus conflictuelle, sujette à l’affrontement et à la violence.
Ce même gouvernement mène une politique d’austérité et de régression sociale qui, de fait, fragilise et démantèle l’ensemble des droits et protections sociales et donc la démocratie sociale.
• Enfin, ce gouvernement s’est engouffré dans une politique sécuritaire qui risque de mettre à mal les droits civiques, sociaux et culturels fondamentaux, ce qui participe également à fragiliser les droits démocratiques.
Ces tentatives d’imposer à tout prix ces politiques ultra-sécuritaires sont inquiétantes. La dérive vers le vote extrême n’est jamais loin, comme on a pu le constater en France. C’est le politologue Jean Faniel qui rappelait pourtant tout récemment le lien de causalité entre le taux d’affiliation syndical en Belgique et la non-prolifération des partis d’extrême droite, grâce notamment au contre-discours de nos organisations syndicales.
Il est donc de notre responsabilité de lutter face à ces forces qui veulent faire régresser la démocratie sociale et donc les principes et valeurs de la démocratie que sont l’égalité et la solidarité.
Sur le déchirement entre citoyenneté politique et citoyenneté sociale, Pierre Rosanvallon s’exprimait de la sorte : « ce déchirement de la démocratie est le fait majeur de notre temps, porteur des plus terribles menaces. S’il devait se poursuivre, c’est en effet le régime démocratique lui-même qui pourrait à terme vaciller. La croissance des inégalités est à la fois l’indice et le moteur de ce déchirement. Elle est la lime sourde qui produit une décomposition silencieuse du lien social et, simultanément, de la solidarité. »
Des campagnes en mouvement
Sur base de tous ces constats, l’engagement et la mobilisation sont plus que jamais essentiels.
Pour le MOC et pour ses organisations, ils prennent différentes formes. Parmi elles, les élections syndicales et mutualistes. Celles-ci constituent un point d’appui indispensable pour réaffirmer la force et la légitimité des positions et des actions de nos mouvements sociaux.
Mais, plus globalement, face à l’offensive idéologique du gouvernement fédéral, il s’agit de pleinement saisir l’importance de la contre-offensive culturelle que nous devons mener en tant que mouvement d’éducation permanente.
Différentes campagnes au sein du Mouvement l’illustrent à merveille.
Notamment, « Semons des possible », la campagne du CIEP qui invite à découvrir toute une série d’initiatives, locales comme globales, qui prouvent qu’il y a une alternative concrète aux dérives racistes, patriarcales et néolibérales de notre société.
Citons aussi la campagne des Equipes populaires qui invite à démasquer les mots qui nous mentent parce qu’ils ont été confisqué et détourné de leur sens par les ravages de l’idéologie néo-libérale.
Il serait d’ailleurs intéressant de se prêter à l’exercice de ce « Jeu des dictionnaires » en proposant plusieurs définitions du mot « Démocratie ». Nul doute que, contrairement à la nôtre, la définition de la NV-A et probablement d’une bonne partie du gouvernement Michel n’intégrerait pas les mots syndicats et mutualités… A nous, tous ensemble, de montrer, par l’exercice quotidien de nos responsabilités, qu’ils ont tort !