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  1. La vie dans nos Centres d’insertion socio-professionnelle : une année dans un contexte de pandémie

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    Depuis plus d’un an, le fonctionnement de nos sociétés est fortement perturbé par la gestion du coronavirus.  Depuis plus d’un an, les Centres d’Insertion Socioprofessionnelle sont suspendus aux décisions de l’autorité de tutelle, à savoir la Région Wallonne.  Nous sommes allé à la rencontre de travailleur.euse.s du centre de formation Alter Form et L’Agora pour les entendre sur cette année si particulière.  Au moment d’écrire cet article (avril 2021), même si les écoles sont fermées, les Centres d’Insertion Socioprofessionnelle (AID au sein du MOC) sont restés ouverts.

     

    Mars 2020 : Lockdown en Belgique

    « Les stagiaires en parlaient entre eux et c’est vrai qu’il y a eu un peu d’absentéisme avant le fameux lock down parce que je pense qu’eux, ils étaient déjà un peu dans la peur pour certains, et donc ils s’étaient déjà mis, entre guillemets, en quarantaine. »

    Comme beaucoup d’autres en Belgique, chez Agora et Alterform, on le voyait venir sans vouloir vraiment y croire. Ce « tout le monde à la maison » va rompre le contact direct avec les stagiaires et les collègues. Passé le premier moment de stupeur et de flottement, il s’agira d’utiliser tout ce qui est disponible pour maintenir la relation, avant même de penser à maintenir le cadre formel de la formation ! Par des coups de fils hebdomadaires, des groupes WhatsApp et compagnie.

    « On rigolait, enfin on rigolait… on pariait sur le moment où ils allaient fermer ici en Belgique et moi je me souviens, je disais « Mais non ça n’arrivera pas » ! j’y croyais pas (…) je me disais « non, on n’en est pas à ce niveau-là » et il me semble que ce n’est même pas une semaine après cette conversation-là, ils ont fermé les écoles en Belgique et après c’était parti quoi.  (…) ça m’a paru soudain, je me disais qu’on y viendrait mais pas aussi vite quoi. C’est vrai qu’on a fermé du jour au lendemain, c’était particulier…l’ambiance était un peu spéciale.

    « On a envoyé des sms pour dire de ne pas venir le lendemain.  C’est compliqué parce du coup il n’y a pas de préparation ni pour eux, ni pour nous, et donc voilà, c’est un état de fait, on ne vient pas, qu’est-ce qu’on fait ?  Et du coup, pour maintenir le contact quand même on s’est vite rué sur tous les réseaux sociaux et tout ça.

    Ensuite, il faut revenir aux raisons d’être de leurs métiers : les apprentissages.  Selon la formation, ce sont bien évidemment des réalités différentes auxquels les formateur.trice.s doivent faire face.  Si poursuivre la formation d’Aide-soignante en ligne et par mail n’est pas impensable, dès qu’on parle de la formation « Coffrage- Maçonnerie », c’est tout de suite plus compliqué… L’équipement « numérique » des stagiaires est par ailleurs bien différent : certains sont à l’aise avec un PC, possèdent une connexion, ne fût-ce qu’un smartphone pour pouvoir suivre les cours, alors que pour d’autres, c’est quasi inexistant.  On essaye d’envoyer les documents par courrier, mais ça prend tellement de temps car la Poste est débordée à ce moment-là. Et puis faire les exercices seuls à la maison, avec les enfants, etc., ou ensemble avec le groupe, ce n’est pas la même chose. Pour ce qui est de pratiquer l’aide sociale en confinement, c’est compliqué : beaucoup de services sont difficiles à joindre, quasi tout se fait par mail ; expliquer comment remplir un document au téléphone à une personne qui débute en français, ça relève parfois du challenge.  Et encadrer des stagiaires dans un atelier ou se retrouver assis devant un PC, ce n’est pas vraiment le même métier.  Chacun va donc à la fois devoir se réinventer, prendre son mal en patience, recréer des nouveaux repères à son domicile, notamment face à l’outil informatique. Il faut aussi faire face aux questions des stagiaires « Quand est-ce qu’on recommence ? », « Est-ce qu’on pourra faire l’examen du permis de conduire ? », « Et pour le stage ? », et ne pas pouvoir y répondre car personne ne connait la réponse, ni le formateur, ni le directeur, ni le Forem, pas même la Région Wallonne.

    « Je me rappelle que j’ai entendu des stagiaires qui parlaient entre eux et quelqu’un qui disait « Voilà j’attends depuis un an ma place pour Alter Form et maintenant que j’ai trouvé, c’est quand que je vais avoir mon brevet ?! » Ils étaient un peu perdus aussi ! À mon avis, la personne elle a organisé sa vie plus ou moins et là d’un coup ça ferme, elle ne sait pas quoi faire.

    Les réalités sont bien différentes aussi selon la vie de famille des travailleurs, où les enfants sont à la maison, la cuisine devient le bureau, le numéro de téléphone personnel devient le numéro professionnel, …  Mais on se soutient entre collègues, et on sent une bienveillance de la part de la hiérarchie, on sent qu’« on n’a vraiment pas à se plaindre comparé à d’autres ».

     

    Mai 2020 : « On a reçu un mail ! On peut reprendre »

    Un jour enfin, ça y est, on peut revenir en présentiel, comme nous l’avertit un mail. Les travailleur.se.s constatent le plaisir pour les stagiaires de se retrouver enfin, mais on prend d’emblée conscience qu’« il y aura un avant et un après ». Certains, pris dans les peurs, ne sont presque pas sortis de chez eux durant tout le confinement, enfermé à la maison, dans un appartement, enfants compris.

    Pour la formation coffrage/maçonnerie, on en a perdu 1 ou 2 en cours de route. Ils avaient besoin de chercher du travail, pas le temps d’attendre la fin de cette période où les projets s’arrêtent net ou sont mis en attente : il y a un sentiment d’urgence à pouvoir continuer à avancer.  Mais, enfin, on peut s’y remettre ! La formation d’aide-soignante, « ouf ! elle est sauvée » ! Parce qu’il faut aussi tenir compte du cadre des pouvoirs subsidiant et des exigences du Forem. On va essayer de combler le temps perdu, pour que les compétences prévues soient développées malgré tout. Une formation qui devait se terminer fin janvier 2021 a pu être prolongée jusque fin juin. Les cours de français, quant à eux, peuvent reprendre pour les personnes débutantes. Des aménagements dans l’organisation sont mis en place : la règle générale est de diviser les groupes en 2, les horaires sont décalés pour que les stagiaires ne viennent pas s’ajouter aux usagers des transports en commun aux heures de pointes, des check-points sont installés, des masques distribués, un réfectoire réquisitionné pour donner cours, et certains donnent leur formation derrière un plexi.  Quelques temps avant le premier confinement, d’aucuns avaient exprimé des peurs face au virus, mais au retour, il y a le plaisir de recommencer, de se retrouver, et toutes les précautions sont de toute façon bien prises sur les lieux de formation. La prudence est toujours là, et ça rassure tout le monde. Parfois, malgré tout, les formateur.trice.s doivent rappeler le respect des consignes, « faire un peu la police ».

    À l’Agora, on tire aussi les premières leçons de cette expérience inédite. Il faut anticiper et accompagner les stagiaires pour qu’ils se familiarisent avec les programmes pour les cours en virtuel, permettre l’autonomie autant que possible. Les ressources sont là, dans les équipes il y a des collègues « qui gèrent bien tout ça » et qui transmettent aux autres.  En été, soit les formations continuent, soit elles se terminent, en attendant de tout recommencer en septembre.

    La mise en difficulté (en danger ?) du déroulement des apprentissages ne concernent pas seulement la survie des centres des formations et le maintien de l’emploi, il y a aussi un enjeu primordial pour les stagiaires qui ont des chances de trouver un emploi à la fin de leur formation. Une des conséquences de la fermeture des frontières est d’ailleurs une diminution de la circulation des travailleurs européens, ce qui augmente donc considérablement les chances de trouver un job pour les stagiaires en coffrage/maçonnerie. Concernant les aides-soignantes, la demande est également là. La crise sanitaire a révélé au grand jour l’âpreté du métier. Pour les stagiaires déjà présents, ça les a plutôt remobilisés, d’ailleurs il y en a qui ont fait du bénévolat dans des maisons de repos pendant le confinement. Par contre, l’attrait de ce type de formation a quelque peu baissé à la faveur de la pandémie : difficile de savoir ce que cela signifiera en terme d’inscription dans les années à venir. Enfin, et c’est fondamental, un centre de formation, c’est un lieu de vie, un lieu de lien social, de rencontres et d’échanges quotidiens.

    Pour certains, ne plus venir aux cours est synonyme de coupure avec le monde extérieur et la vie en société. On est dans un contexte où tout est fermé, les salles de sports, les cafés, les restaurants, et sans la formation, il ne reste plus rien et presque plus personne pour exister dans sa relation aux autres.

     

     

    Automne – hiver 2020 : « zoom,zoom,zoom » !

    On le sait aujourd’hui, le premier déconfinement n’aura été qu’une parenthèse estivale, et le 2 novembre il faudra à nouveau retourner à la maison et réintégrer le monde virtuel à temps plein. Les équipes sont, malheureusement, un peu plus aguerries pour y faire face.  Les apprenants des groupes de français du centre L’Agora sont désormais tous connectés, et les aides-soignantes et leurs formatrices s’y mettent dans la foulée. Par contre, pour apprendre à coffrer et à maçonner à distance, ce n’est pas Zoom qui va nous sauver. Pour ceux qui le pratiquent assidument, d’ailleurs, il est clair qu’on y perd quelque chose.  La participation aux séances n’est pas la même, et c’est plus fatigant pour les formateur.tice.s de donner une séance en virtuelle plutôt qu’en présentiel.  On n’est pas porté par la dynamique du groupe comme dans un cours normal.  Et c’est difficile de progresser au même rythme dans la matière.

    Mi-février, au moment du congé de Carnaval, l’étau se desserre et les Centres peuvent reprendre en présentiel, sous les mêmes conditions d’accueil qu’avant le deuxième confinement. Tel un effet secondaire de cette vie en pointillés que nous vivons depuis mars 2020, il est difficile de se situer dans le temps devenu confus, et les travailleurs ne savent plus nous dire exactement depuis quand ils ont pu recommencer en présentiel lorsque nous les rencontrons.  Dès que le travail a repris en cette fin d’hiver, l’impression que le deuxième confinement « est loin derrière nous » domine, alors que ça ne fait qu’un petit mois que les stagiaires sont de retour.

     

    Après un an, quel regard sur cette expérience ?

    Le caractère inédit, l’évènement historique que représente cette pandémie semble faire consensus. « C’est marqué au fer rouge », dit-on, ou encore « ce n’est pas dans 5 ans qu’on aura oublié tout ça ». D’un côté, on constate que ça a jeté une lumière crue sur les fragilités de nos systèmes, en particulier notre système politique démocratique censé garantir nos libertés. D’un autre côté, on se souvient un peu désabusé des projections passées du « monde d’après », qui avaient surgi avec le premier confinement. Or le « monde d’après », c’est maintenant. Et s’il y avait une vraie volonté de vivre autrement à la faveur de l’expérience inédite de ce premier confinement, c’est aujourd’hui complètement retombé : « On passe vite à autre chose : dès qu’on a pu refermer les yeux, on l’a fait ». Ce confinement n’est-il pas une expérience grandeur nature qui montre de manière évidente « qui a de la chance et qui n’en a pas ? »

    Mais même si c’est une expérience « dont on aurait bien pu se passer », elle aura au moins eu le mérite de nous permettre de nous arrêter un instant pour prendre conscience et réfléchir aux enjeux de nos pratiques quotidiennes, par rapport auxquelles il est difficile d’avoir ce regard attentif et réflexif. Ces quelques témoignages et ces réflexions ont été l’occasion de mettre des mots sur les réalités vécues dans des centres de formation qui se sont révélés être, outre des lieux d’apprentissage et de partage de compétences, de véritables de lieux de vie.

    Le travail a repris, mais on sent qu’il faut maintenant travailler avec ces incertitudes, on recommence, mais on ne sait pas s’il va falloir à nouveau retourner à la maison et reprendre en mode « distanciel ».  On continue à inscrire, des formations démarrent, en croisant les doigts, en espérant pouvoir aller jusqu’au bout de la formation.  Et le regard posé sur l’avenir est chargé de tout ce vécu.

     

    *Toutes les illustrations sont issues de la collecte de témoignages de stagiaires de l’Agora.

  2. « Green New Deal belge » : la Coalition Climat propose un nouveau pacte sociétal

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    Face aux urgences pandémiques, économiques, sociales et écologiques, la pire des options serait de faire « comme avant », un retour à l’obsession de croissance du PIB alors que les limites planétaires sont déjà franchies.

    La Coalition Climat, une coalition belge réunissant syndicats, associations, mutuelles, mouvements citoyens, dont font partie le MOC, la CSC et la Mutualité Chrétienne, propose aujourd’hui un large éventail de mesure pour faire pression sur les décideurs politiques et les guider vers une transition socialement équitable face à la crise climatique. Il s’agit du « Green New Deal » belge : plus d’une centaine de proposition sont mises sur la table, allant du rôle de la Belgique sur la scène européenne et internationale à la transformation en profondeur du système économique avec des orientations concrètes de financement, ainsi qu’à une amélioration de la gouvernance et de la participation citoyenne.

    Parmi les mesures concrètes avancées, nous pouvons pointer les suivantes[1] :

    • Faire de Belfius, une « banque publique du climat » ;
    • Interdire la publicité pour les biens et services contribuant largement à la crise climatique ;
    • Investir dans les pratiques agroécologiques et biologiques, avec un objectif de minimum 25% de superficies en agriculture biologique d’ici 2030 ;
    • Réduire de 60% le cheptel belge d’ici 2050 ;
    • Rendre tous les bâtiments publics climatiquement neutres dans 20 ans ;
    • Une fiscalité progressive, notamment par le biais d’un impôt sur le patrimoine appliqué aux grandes fortunes.

    Voici un peu plus d’un an que l’actualité politico-médiatique autour de la pandémie occulte une partie des autres enjeux globaux, dont ceux liés à notre environnement. Contrairement aux activités humaines, le changement climatique ne s’est pas mis en pause, et les évènements extrêmes se sont succédés sur le globe : sécheresses (la Belgique est dans sa 4ème année de sécheresse !), feux de forêts, inondations, vagues de chaleur, extinctions d’espèces animales et végétales… Pourtant, en 2019, la société civile et la jeunesse s’étaient mobilisés en masse pour revendiquer une politique climatique claire, ambitieuse, et solidaire. Et maintenant, qu’en est-il ?

    La crise du COVID-19 a le mérite de nous démontrer l’interdépendance des crises, qu’elles soient d’ordre climatique, économique, sanitaire ou démocratiques. Il s’agit d’une opportunité unique pour ne PAS revenir à la normale, et s’engager pour de bon vers un monde plus durable, équitable et solidaire.

    La publication du mémorandum survient juste après les plaidoiries de « l’Affaire Climat », dont la Coalition Climat est à l’origine, qui se sont déroulées en mars 2021. Dans cette affaire, plus de 65 000 citoyen·ne·s intentent une action en justice contre les quatre autorités belges compétentes (l’Etat et les Régions), en raison du non-respect des promesses internationales en matière de climat. On peut consulter les plaidoiries et savoir où en est ce procès ici : https://affaire-climat.be/. Le jugement est attendu début juillet…

    SAVE THE DATE – Marche pour le climat

    En prévision de la COP 26 qui se déroulera à Glasgow du 1er au 12 novembre 2021, la Coalition Climat organise une grande marche pour réclamer l’adoption de mesures ambitieuses et radicales pour lutter contre les changements climatiques. Cette manifestation aura lieu le 10 octobre, à 13h à Bruxelles.

    [1] Vous pouvez consulter le reste des mesures proposées sur le lien suivant : http://www.klimaatcoalitie.be/sites/default/files/documents/M%C3%89MORANDUM%20POUR%20UN%20GREEN%20NEW%20DEAL%20BELGE_0.pdf

     

  3. Compte-rendu « Coronakrisis : une crise peut en cacher d’autres » | Une animation en éducation permanente

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    Il y a un peu plus d’un an, nombreux pays du globe ont mis en place un confinement généralisé pour limiter drastiquement la circulation du nouveau coronavirus responsable d’un syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). Il fallait à tout prix éviter un effondrement généralisé des systèmes de soins de santé, déjà fragilisé par un sous-financement public relatif. On entrait alors dans l’inédit. Jamais, de mémoire d’homme, cette mesure politique de santé publique n’avait atteint une telle proportion dans l’histoire de l’humanité.

    Il y a presqu’un an, le CIEP a décidé de mettre sur pied une animation en trois parties destinées à mieux se représenter cette réalité, complexe et angoissante. À partir de la figure de l’iceberg qui illustre bien la différence entre ce qu’on peut appréhender à la surface des choses, et les raisons profondes et souvent non visibles qui les déterminent, on a cherché à mieux faire voir les origines des épidémies virales afin d’évaluer les conséquences sociales et politiques du confinement général. Dans un second temps, l’animation proposait une plongée sous la ligne de flottaison, dans le but de saisir les contours de la face immergée de l’iceberg. Comment en était-on arrivé là ? Pourquoi vit-on un déraillement d’une telle ampleur ? Enfin, la troisième partie de l’animation visait à confronter les participant(e)s au grand défi de l’action collective. Et maintenant, que fait-on ?

    Ce petit article est le récit des expériences vécues, et des témoignages partagés, lors d’animations lancées à partir de septembre 2020. Les publics étaient essentiellement constitués par les membres des organisations constitutives du MOC (aînés CSC, Vie Féminine, bureaux politiques), ainsi que par des stagiaires, de CISP et de régie de quartier. Notre objectif était de prendre le temps de ressaisir nos vécus de la pandémie, dont le confinement, en tentant de « remettre les choses à plat ». Ce mieux voir n’est-il pas la condition nécessaire à l’appropriation d’un jugement partagé, potentiellement émancipateur ? Dans tous les cas, la mission de l’éducation permanente s’avère ici à la fois pertinente et cruciale, pour tenter de se raccrocher à quelque bouée de sauvetage lorsque l’ordre social est à la dérive.

     

    L’autorité politique de la science face aux inégalités sociales

    Le trauma collectif d’une pandémie virale comme celle du covid génère de nombreuses incertitudes. L’animation avait pour vocation d’être une chambre d’échos et de partage de ces doutes. Ces incertitudes, de plus, sont renforcées par des changements de position incessants, qui ne permettent plus de savoir à quel saint se vouer. Mais pour certain(e)s, ça tient de l’évidence. Le raisonnement est limpide. Le virus qui provoque la maladie du covid-19 (SRAS-CoV-2) aurait été fabriqué par des gouvernants tout-puissants dans le but évident d’inoculer aux populations des nanoparticules réceptrices de la 5G, lors d’une campagne de vaccination mondiale qui générera des milliards. La crise sanitaire serait l’occasion d’une déstabilisation de l’ensemble du tissu économique, dans le but de détruire la classe moyenne que l’on fait « mourir à petit feu », voire de surveiller le moindre de nos faits et gestes tout en bâillonnant les gens, grâce à des masques qu’on a été forcés de fabriquer ! On aurait tort de balayer ça d’un revers de la main, aussi contradictoire et farfelu que cela puisse paraître. Ces interrogations révèlent une crise de confiance bien légitime dans les institutions perçues comme « éloignées du terrain ». Qui représentent-elles encore ?

    À proprement parler, même si l’animation ne portait pas directement sur l’enjeu de la vaccination, elle pose naturellement nombre de questions à nos publics, puisqu’elle est présentée comme la seule solution par nos gouvernants. Les participant(e)s ont d’ailleurs souvent pointé le problème que nombre d’entre eux/elles envisagent de se vacciner « pour être tranquilles ». D’autres se demandent l’intérêt de ce type de vaccin, puisque le nouveau coronavirus est un virus qui n’est pas immunisant : « Je ne veux pas me retrouver à me faire vacciner tous les ans, je ne le fais déjà pas pour la grippe… ». Le processus du voir/juger a en outre permis de mettre en lumière d’autres voies d’immunisation des populations, plus sociales et naturelles : viser l’égalité d’accès aux droits socio-économiques, garants des égalités sociales de santé.

    C’est dans cette perspective d’égalité socio-économique qu’un débat avec des stagiaires en bureautique s’est engagé. Le processus de la confrontation des points de vue a favorisé le passage de la représentation de l’épidémie en tant que complot fantasmé, surpuissant et destructeur, à la mise en évidence de la violence du conflit de classe révélé au grand jour. Le témoignage d’une participante a dirigé le débat vers le cas de l’entreprise Wibra, hautement significatif à cet égard. Alors que l’entreprise percevait des indemnités d’état pour sécuriser les revenus – matérialisant à nouveau le credo néolibéral de la « socialisation des pertes et privatisation des profits » – ses 300 employés ont été licenciés sans préavis, du jour au lendemain, comme la loi l’y autorisait. Le covid, un effet d’aubaine ?

    Des institutions en faillite ?

    Pour autant, cet « effet d’aubaine » est très inégalement réparti entre les membres de notre société. En évoquant l’accélération vers le tout-numérique, nombreux témoignages se sont inquiété de l’avenir du travail, à distance de tout rapport social. En creux, on s’est d’ailleurs posé la question, au sein du groupe de participation citoyenne de Seraing, de savoir ce qu’est vraiment du travail dans le fond.

    Dans le même sens, l’animation ciblait la « fracture numérique », qui s’est aggravée à cause de la pandémie, puisqu’elle a rendu l’accès au numérique indispensable[1]. Pour les seniors de la CSC de Waremme, la numérisation intégrale c’est « la cata chez de nombreux aînés » ! Néanmoins, force est de constater qu’elle n’a pas que des effets négatifs, comme en témoigne une jeune stagiaire non-francophone : ses deux jeunes fils ont progressé en français, foi de logopède, grâce aux jeux vidéo en ligne avec des copains de classe.

    La grille de lecture des événements proposée par l’animation juge la frontière de plus en plus floue entre la crise sanitaire et la crise économique et sociale. C’est dès lors apparu comme une évidence à une participante travailleuse en régie de quartier : « l’économie va nous mettre plus à plat que la crise sanitaire elle-même ! ». Et nous vient en mémoire le témoignage d’une permanente CSC qui rapportait qu’une travailleuse de titres-services ne disposait plus que de 340 euro par mois pour vivre : le gel de nos économies est une décision politique, requise par la situation sanitaire. Mais jusqu’à quel point, s’est-on demandé ? La gestion de la crise par nos institutions démontre pour nos publics un sentiment de peur panique généralisée, ainsi qu’une grande difficulté à prendre des responsabilités autres que par des mesures très contraignantes et trop souvent aveugles, sous le seul prétexte que les chiffres le commandent.

    En évoquant les chiffres jugés « dangereux parce que facilement manipulables », nombreuses interventions des participant(e)s allaient dans le sens d’une incompréhension du choix des indicateurs les plus relayés dans les médias pour juger de l’état de l’épidémie. D’abord la mortalité, puis le nombre d’admissions dans les hôpitaux (en particulier les admissions en unités de soins intensifs), puis uniquement les résultats des tests PCR. Il est légitime de se poser des questions lorsque les décisions politiques ne semblent plus guidées que par des chiffres.

    Ces questions soulevées par l’animation ont fait dire à des militantes de Vie Féminine que les états, dont on peut penser qu’ils ont organisé leur défaillance – « Voyez le sous-financement des soins de santé et le manque permanent de personnel soignant ! » –, laissent toujours plus de terrain aux entreprises privées. Or la gestion d’une pandémie nécessiterait un état régulateur et protecteur. Cela doit notamment impliquer, pour l’une d’entre elles, de ne pas jouer les uns (les vieux et les « inactifs ») contre les autres (les jeunes et les travailleurs), mais au contraire de pratiquer des politiques d’inclusion qui ne peuvent se réaliser que par le bas de l’échelle sociale, et non l’inverse ! Plus largement, comme l’a affirmé sans détour une de leurs participantes, « une société malade de sa santé va forcément droit dans le mur ! » Mauvais signe pour l’avenir… Mais quel avenir ?

     

    Un monde en crises : quelle place pour les mouvements sociaux ?

    Cette pandémie globalisée enraye de nombreux pans du système mondial car les états du monde entier sont tellement interconnectés aujourd’hui qu’un éternuement à Singapour peut devenir une authentique semaine de bonne crève à Bruxelles. Le confinement généralisé des populations est un phénomène nouveau par son ampleur, aux conséquences certainement désastreuses. Pourtant, une épidémie est un phénomène profondément dynamique et complexe : des règles indispensables ici n’ont potentiellement aucun effet là-bas, sinon indésirable. La proportionnalité des mesures ne devrait-elle pas par conséquent être la règle générale ? Une participante de la CSC de Waremme avait parfaitement raison d’attirer notre attention sur le fait que tous les aînés ont aveuglément été mis dans le même sac des « personnes-à-risques », sur base du seul critère de l’âge, « plus de 65 ans ».

    Dans le même temps, cette dame insistait sur le danger considérable d’un « repli sur soi généralisé » et sans distinction, aussi bien au sein de notre société que dans nos relations avec d’autres nations, en particulier les plus pauvres. Où en est la solidarité mondiale, notamment à l’heure d’un partage totalement inéquitable des vaccins[2] ? Qu’en sera-t-il aux lendemains de la pandémie ?

    Par rapport à tous ces défis, la question de savoir la place que les mouvements sociaux doivent prendre, et le rôle qu’ils doivent jouer, est capitale à nos yeux. Si l’importance de faire mouvement peut apparaître plus clairement aujourd’hui, la question des échelles de l’action doit être posée : à qui s’adresse-t-on et dans quel cadre envisager des solutions ? On peut penser que si l’action est toujours localisée, la conscience des enjeux doit nécessairement être globale ! La place qui revient à l’éducation permanente prend tout son sens dans ce débat. En résonance avec la réaction d’une militante de Vie Féminine, cette animation a au moins montré que « c’est fondamental de pouvoir identifier le problème : si on se rend mieux compte de comment les choses se passent, ça permet d’être plus créatif ! »

    [1] Voir l’article « Une année online qui accentue les inégalités », sur le site du MOC, https://mocliege.be/une-annee-online-qui-accentue-les-inegalites/
    [2] Voir le compte-rendu de la visioconférence géopolitique des vaccins : https://mocliege.be/covid-vu-du-sud-enjeux-mondiaux-dacces-aux-vaccins/
  4. Animation&Débat | La Vivaldi, une partition en mode mineur pleine de désaccords ?

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    Présentation de l’accord de majorité gouvernementale (les grandes lignes) et échanges-discussion

    Ça fait 16 mois qu’on l’attendait ! Est-ce que cela en valait bien la peine ? Le « retour du cœur », voilà ce qu’on nous annonce…

    Il n’empêche, et malgré les assauts répétés des régionalistes de tout bord qui déstructurent l’État fédéral (« assainissement des finances publiques » oblige), scruter de près l’accord de coalition qui mènera la danse pour les 4 prochaines années semble bien utile !

    Le CIEP vous propose une grille de lecture politique de cet accord de coalition typiquement belge.

    Les « quatre saisons à la fois » ne nous donnent pas beaucoup de garanties préalables sur les options prises :

    Il fait chaud, il fait froid, il fait pluvieux, il fait venteux, il fait soleil aussi : c’est tout ça à la fois l’accord Vivaldi !

    A nous de mieux évaluer leurs accords et désaccords pour mieux cibler les actions à mener durant ces 4 prochaines années.

    Arrêtons-nous un instant pour réfléchir à comment mieux agir pour une société plus juste et solidaire : plus démocratique.

    Si cette présentation vous intéresse et si vous souhaitez organiser un échange autour de celle-ci avec l’un de vos groupes, à distance ou, nous l’espérons, le plus vite possible, dans nos locaux ou dans les vôtres, n’hésitez pas à faire appel à nous. Contact: blanchard@mocliege.org 04/232.61.76

  5. Lettre ouverte à Willy Demeyer sur les dispositions pour les SDF

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    Le MOC de Liège-Verviers, la JOC Liège, la CSC Liège-Verviers-Ostbelgien, les Equipes populaires des Liège-Huy-Waremme, la Mutualité Chrétienne régionale de la Province de Liège et Vie Féminine Liège-Huy-Waremme-Seraing-Verviers s’associent pour interpeller le bourgmestre Willy Demeyer sur la situation des SDF en ces temps troublés par le COVID-19.

    L’entièreté de la lettre à découvrir ici

  6. Seraing | Graines de Génie recrute un.e animateur.trice !

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    Dans le cadre d’un projet de promotion à la citoyenneté et de l’interculturalité (PCI) 2019,
    l’école de devoirs « Graines de génie » recrute, pour engagement à partir du 6 janvier 2020 :
    Un.e animateur.trice
    CDD – temps partiel (18H00) ‐ jusqu’au 30 juin 2020

    FONCTION

    « Graines de génie » est une école devoirs située à Seraing. Elle accueille les enfants de 6 à
    13 ans, mais également les parents. Dans ce cadre, un groupe de soutien à la parentalité se
    réunit régulièrement. Cette année, le thème de travail sera « la participation et l’intégration
    dans la vie de ma commune ».
    En collaboration avec une collègue de travail, la fonction consiste à :

    • Préparer les contenus et le déroulement (méthodologie, outils pédagogiques, intervenants
      extérieurs, …)
    • Animer les rencontres (évaluation continue avec les participants, …)
    • Valoriser le travail du groupe dans le cadre d’une journée portes ouvertes sur le quartier et la commune
    • Réaliser une évaluation finale avec le groupe et l’ensemble des intervenants
    • Rédiger le rapport et dossier final
    • Participer à la vie de l’école de devoirs en accompagnant et animant des enfants entre 6 et 13 ans

    PROFIL

    • Être en possession d’un titre d’animateur, d’éducateur ou d’assistant social
    • Être de bonnes vies et moeurs
    • Capacités d’organisation, d’analyse et d’adaptation aux besoins des participants
    • Capacités d’animation, de gestion de groupe des participants dans une finalité citoyenne
    • Capacités de rédaction ainsi que d’utilisation courante de l’outil informatique

    Les candidatures (lettre d’accompagnement, C.V. et copie du passeport APE) sont à adresser
    exclusivement par mail à Janssen Françoise, coordinatrice (janssenf@mocliege.org) avant
    le 30 novembre 2019.

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