Une année « online » qui accentue les inégalités

2020 fut l’année du Covid mais aussi de l’activité en ligne. Renforcée par des obligations d’ordre sanitaire, l’outil numérique déjà omniprésent dans notre quotidien devient une alternative obligatoire dans de nombreux domaines dont la formation pour adultes. Suite à une réflexion commune entre travailleurs du CIEP et de l’Agora nous dressons un constat autour du maintien des contacts avec nos publics face à la fracture numérique.

Des risques de l’absence du lien social pour le public

L’asbl Agora, centre d’Insertion socioprofessionnelle proposant des cours d’alphabétisation, et une partie du CIEP Liège-Verviers, travaillent principalement avec un public migrant notamment dans le cadre du parcours d’intégration.  C’est un public fragilisé, non pas parce qu’il est « migrant », mais parce qu’une grosse partie des personnes qui le composent ne maîtrisent pas assez la langue du pays, n’ont pas encore assez d’assise et sont encore dans le développement de la compréhension d’un nouveau contexte de vie qu’il soit social, professionnel et culturel. De plus, une majeure partie du public de l’Agora dispose de revenus limités principalement issus du CPAS ou du chômage.

Dans le cadre de la situation sanitaire liée au Covid, les situations d’isolement ont fortement augmenté. De plus, sans être une généralité, le confinement dans des espaces d’habitation réduits a également aggravé dramatiquement certaines situations familiales difficiles. Tous ces éléments ont provoqué une sollicitation accrue de nos collègues assistant sociaux, que ce soit pour un suivi social et administratif ou pour des aides complémentaires, notamment alimentaires.

Comme nous dit Mona, travailleuse de l’asbl Agora « Ajouter à des situations de précarité une situation d’isolement propre au confinement, c’est ajouter encore plus de détresse et d’incompréhension.  Retirer le lien, c’est retirer tout. Il est donc impossible d’envisager pour nous un arrêt total du lien avec les stagiaires. »

L’ajout d’une situation imposée à tous par l’émergence du virus a fortement augmenté les fragilités spécifiques à un public que nous rencontrons quotidiennement. Il a fallu réagir vite et créer de nouvelles façons de faire exister les liens sociaux indispensables à la construction des parcours de vie que l’on soit migrant ou non.

De la participation en confinement

L’apprentissage en ligne soulève de nombreuses questions en terme d’adaptation pour l’apprenant. De nombreux facteurs l’obligent une nouvelle fois à se réinventer, se former à de nouvelles pratiques et à s’adapter malgré les difficultés déjà présentes. Comment garder la motivation et la concentration d’un apprenant quand l’espace d’apprentissage tend à se confondre avec le lieu de vie.  Ce dernier est aussi occupé par le conjoint, les enfants, les animaux de compagnie, …  L’espace réduit d’un salon peut ainsi  se transformer en une salle de classe. De plus, la question de l’accès au matériel et de sa maîtrise ainsi que l’accès à une connexion correcte nous renvoient aux budgets familiaux souvent déjà très serrés.

La fracture numérique est un terreau d’exclusion supplémentaire si on ne prend pas en compte l’ensemble de ces facteurs présents sur le terrain. Face à cette situation les animateurs et formateurs tentent de trouver des solutions : mise à disposition de PC portables, formations délivrées via smartphone et adaptation à des applications déjà utilisées par les publics afin de maintenir le contact malgré toutes les limites que cela pose en termes d’apprentissage du français et de qualité des échanges.

Face à une fracture supplémentaire qui s’aggrave

L’outil numérique est omniprésent et tend à l’être de plus en plus. Quelles que soient les spécificités du public rencontré, cette situation qui s’étale depuis presque un an et qui risque de se prolonger quelques mois encore nous montre que le « numérique » n’est pas une « fracture » unique mais une fracture supplémentaire qui, si on n’y prend pas garde, risque encore d’aggraver celles qui existent déjà.  Ne pas savoir payer ses factures car tout se fait en ligne, ne pas trouver d’emploi car on ne sait pas envoyer sa candidature par mail, ne pas avoir accès à certains services qui ne sont plus accessibles que à distance, ne pas pouvoir se former correctement… sont aujourd’hui des obstacles que rencontrent de plus en plus de citoyens quelles que soient leurs spécificités.

Au final, la « crise covid» que nous vivons met clairement en lumière l’ampleur d’une « fracture numérique » qui n’a fait que s’aggraver ces derniers mois. En tant qu’association d’insertion et d’éducation permanente, nous continuerons à essayer de rendre chacun plus autonome face à tous ces changements afin de rendre ceux-ci moins inégalitaires.

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