Author Archives: nlaermans

  1. Une protection sociale solide pour affronter le Covid-19

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     Une position du groupe de travail société civile Protection sociale universelle composé d’ONG, syndicats et mutualités:

    En ce moment, le monde entier tente de limiter la propagation du virus Covid-19, grâce à de nombreuses mesures visant à limiter les risques de contagion, la principale étant le confinement au sein des foyers. Les pays industriels annoncent aussi vouloir déployer de larges dispositifs pour soutenir l’économie. En Europe occidentale, on prend aussi une série de mesures sociales pour compenser (en partie) la perte de revenus pour ceux qui ne peuvent plus travailler en raison des circonstances, qu’ils soient indépendants ou salariés, même si cela reste à nuancer car certains groupes plus vulnérables se retrouvent en grande difficulté.

    Naturellement, les soins de santé font l’objet d’une grande attention dans ce contexte. Les systèmes de soins de santé dans chaque pays sont-ils prêts à faire face au raz-de-marée de malades? Des mesures sont plus que nécessaires pour faire face aux pénuries et élargir les capacités de prise en charge, car même dans certaines régions riches fortement touchées par le virus, telles que le Nord de l’Italie ou la région de Madrid, la situation est alarmante. En effet, dans les pays où d’importantes coupes budgétaires ont été effectuées dans le secteur de la santé (réduction du personnel, du matériel de soins, des ambulances, …), comme en Belgique, c’est la population qui en paie le prix fort aujourd’hui.

    La propagation du virus dans les pays à faible et moyen revenu suscite également de plus en plus d’inquiétudes. En effet, de nombreux pays tirent la sonnette d’alarme étant donné que leurs systèmes de santé et de protection sociale ne sont pas en mesure de gérer une telle pandémie. Dans le monde, près de 40% de la population n’a accès à aucune forme d’assurance maladie, ni à des services publics de soins de santé. Chaque année, près de 100 millions de personnes tombent dans l’extrême pauvreté (moins de 1,9 dollar par jour) en raison de dépenses de santé qu’elles ne peuvent assumer elles-mêmes. Cela signifie qu’elles n’auront tout simplement pas les moyens de se faire soigner si elles sont atteintes du Covid-19.

    Dans beaucoup de pays d’Afrique, la mise en place de mutuelles de santé est en cours depuis une vingtaine d’années, sur base de contributions solidaires. Ces mutuelles s’adressent notamment à celles et ceux qui travaillent dans l’économie informelle ou qui habitent en milieu rural. Outre une « assurance » maladie pour la population, les mutuelles jouent un rôle de sensibilisation et de formation de la population, afin que les gens sachent comment éviter la contamination. Plus récemment, les gouvernements de ces pays ont eux aussi pris leurs responsabilités en investissant davantage dans le système, en subventionnant les cotisations des groupes les plus pauvres et en renforçant l’offre de services sanitaires. L’objectif est d’aboutir ensemble à une couverture sanitaire universelle.

    Au Sénégal, le taux de couverture s’élève actuellement à 50% de la population. La moitié, c’est loin d’être suffisant. Surtout à la lumière l’urgence dans laquelle nous nous trouvons, qui remet en question le progrès engrangé. Dès lors, une aide humanitaire sera nécessaire dans de nombreux pays pour affronter la pandémie. Mais il y a lieu, dans le même temps, de veiller à ce que cette aide humanitaire renforce le système de protection sociale et ne soit pas simplement organisée par le biais de structures parallèles. Les mutuelles ont un rôle important à jouer dans ce contexte en veillant à ce que, au-delà de la crise actuelle, les systèmes de protection sociale universelle développent de plus grandes capacités d’appui et de résilience face aux catastrophes futures (sanitaires, climatiques, autres, …).

    La distanciation sociale n’est pas une option

    Comme chez nous, la pandémie de Covid-19 entraîne, dans les pays à faible et moyen revenu, de nombreux problèmes sous-jacents pour les groupes de population les plus pauvres, en plus des difficultés liées aux soins de santé.

    « Restez chez vous » est un slogan simple qui fonctionne bien en Belgique. Mais pour des centaines de millions de personnes, qui vivent entassées dans des bidonvilles ou des quartiers populaires de mégalopoles, cette injonction a un tout autre écho. Quand la porte d’entrée de votre voisin se situe à cinquante centimètres de la vôtre et que vos installations sanitaires ou votre approvisionnement en eau sont partagés avec tout le quartier, quand vous ne disposez pas d’électricité et encore moins d’un réfrigérateur, la distanciation sociale, même en restant chez soi, est une mesure totalement irréaliste.

    Pas de protection sociale

    Jusqu’à 90% de la population vit principalement de l’économie informelle en Afrique ou en Asie du Sud sans avoir la possibilité de travailler de chez eux. Une écrasante majorité des travailleur∙euse∙s journalier∙e∙s, les chauffeurs de rickshaw, les éboueur∙euse∙s, les aides ménagères, les vendeur∙euse∙s de rue, les ouvrier∙e∙s agricoles et les petit∙e∙s paysan∙ne∙s ne peuvent pas se permettre de rester à la maison plusieurs jours, encore moins plusieurs semaines ou mois, et doivent, par la force des choses, risquer leur santé et celle des gens qu’ils∙elles côtoient pour pouvoir survivre. Un jour sans travail signifie un jour sans repas pour ces travailleur.euse∙s et leurs familles. Une écrasante majorité des travailleur∙euse∙s dans le monde n’ont même pas de réserves ou de revenu de remplacement en cas de maladie ou pour pouvoir faire face aux situations imprévues. S’ils ou elles tombent malades, il ne leur est pas possible de penser d’abord à leur propre santé ou à celle de leur entourage.

    Mais pour les personnes qui ont un emploi formel, les perspectives sont tout autant plus négatives que chez nous. 80% des travailleur∙euse∙s dans le monde ne peuvent pas compter sur des indemnités de chômage, alors que selon l’OIT, 5 à 25 millions d’emplois sont menacés. Les systèmes de chômage temporaire comme celui que nous avons en Belgique, sont encore plus rares. Aujourd’hui, 55% de la population mondiale – environ 4 milliards d’individus – doivent s’en sortir sans aucune forme de protection sociale. Beaucoup de pays comptent sur les assurances commerciales pour combles les lacunes, alors que seule une petite minorité peut se le permettre. Les plus pauvres et les plus vulnérables ne sont pas les seuls à en pâtir. Cela constitue également une menace pour le bien-être de nos sociétés dans leur ensemble.

    Des retombées positives de cette pandémie ?

    Au final, la pandémie ne pourrait-elle pas avoir un effet positif ? Qui sait, peut-être cette situation va-t-elle convaincre les gouvernements et les donateurs internationaux d’investir davantage dans des soins de santé accessibles et de qualité, aux indemnités de maladie et aux allocations de chômage. Car les études nous montrent que de telles mesures non seulement préviennent la pauvreté, mais aussi, qu’elles ont un effet multiplicateur positif bien plus important sur l’économie que des mesures comme la diminution des impôts. Elles sont aussi un vecteur de stabilité sociale et politique. La crise de 2008 aurait déjà dû servir de déclic en ce sens et pourtant, malgré de belles déclarations gouvernementales en 2009, les politiques d’austérité ont repris de plus belles juste après.

    Dans le combat contre COVID-19, les organisations du Sud ont redoublé d’ardeur dans leurs luttes pour les systèmes de protection sociale universelle. Les mutualités contribuent à des systèmes de santé plus solides et financièrement durables. Une organisation de santé au
    Bangladesh produit des kits de test abordables pour le virus. Des associations de défense des droits de patients mènent des enquêtes sur la qualité des soins. Des réseaux d’organisations de la société civile appellent leur gouvernement à prévoir des mesures sociales pour les plus vulnérables. Des syndicats informent et sensibilisent la population, négocient avec les employeurs et les gouvernements pour que les lieux de travail soient aménagés de manière sûre et que les travailleurs.euse.s bénéficient de mesures sociales. Beaucoup de gouvernements dans les pays du Sud prennent aussi des mesures sociales, mais notre coopération au développement officielle n’a pas encore suivi ce mouvement.

    La communauté internationale a aussi une responsabilité à cet égard. A court terme, à travers l’aide humanitaire. Mais aussi et surtout à plus long terme. Nous ne pouvons pas continuer à courir après les catastrophes. La protection sociale universelle est réalisable et payable, moyennant une coopération internationale plus intense de la part de tous les acteurs pertinents.
    Une fois que cette pandémie sera derrière nous, nous demandons, comme l’a déjà fait la chambre des représentant∙e∙s dans une résolution de 2016, d’accorder effectivement une place plus centrale à la protection sociale dans la coopération internationale belge. La Belgique devrait également défendre plus résolument ce thème dans les institutions internationales.

    Les textes sur lesquels une politique belge peut se baser pour renforcer la protection sociale dans sa coopération sont prêts. Et ils sont largement portés par tous les acteurs concernés. Ils n’ont juste pas le statut officiel en raison de notre contexte politique. Et cela s’avère nécessaire, de manière à ce que les représentant∙e∙s belges dans les pays partenaires et auprès des organisations internationales sachent quels principes ils doivent défendre. Chacun sait que nous ne pouvons pas transposer « notre modèle » comme si c’était le seul exemple ; ça ne fonctionne pas. Mais comme le suggèrent les conclusions de la conférence « Protection sociale universelle, quel engagement pour la Belgique » du 4 novembre dernier, nous pouvons défendre un certain nombre de principes sous-jacents, tels que la solidarité, la redistribution et sans doute le plus important, la participation et la co-gestion par les mouvements sociaux.

    Sans un dialogue effectif et structurel avec les organisations de la société civile pertinentes et représentatives, la protection sociale ne pourra pas acquérir l’assise large et les financements durables dont elle a besoin pour prévenir la pauvreté et donner aux sociétés les capacités de se défendre dans les moments difficiles comme celui que nous vivons aujourd’hui. Nos partenaires prennent déjà des initiatives, c’est maintenant à la communauté internationale et à la Belgique de les soutenir.

    Groupe de travail société civile Protection sociale universelle

    Le groupe de travail protection sociale universelle est composé d’ONG, de syndicats et de mutualités qui misent, dans la coopération internationale, sur le renforcement des systèmes de protection sociale : WSM, SolSoc, FOS, Oxfam, 11.11.11, CNCD-11.1.11, Viva Salud, Louvain Coopération, CSC, FGTB, CGSLB, Mutualité Chrétienne, Mutualités Socialistes, Mutualités Libres.

  2. Offre d’emploi: Un(e) animateur(trice) CDI – temps plein (36 H/semaine) – Barême de la CP 329 – poste APE

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    Dans le cadre de ses missions d’éducation permanente, le MOC Liège-Huy-Waremme recrute un(e) animateur(trice)  pour engagement à partir du 20 avril 2020 :

    FONCTION

    Le CIEP Liège est le service d’éducation permanente du MOC. Il développe notamment à partir de groupes locaux des analyses et actions concrètes en lien direct avec la réalité locale. Il sensibilise, réunit et mobilise des citoyens autour d’enjeux politiques, économiques, sociaux et culturels jugés prioritaires par le Mouvement.

    – Analyser la situation d’un quartier, d’une commune ou d’une microrégion sous l’angle de la participation citoyenne, des inégalités sociales et culturelles, de la transition écologique, … en s’appuyant sur les acteurs culturels, sociaux, économiques et politiques locaux

    – Faire connaître et partager ces constats avec les habitants, les associations concernées et les militants des organisations du MOC

    – Dégager et proposer des orientations et développer des actions de terrain : initier des collectifs citoyens, renforcer la cohésion des habitants autour de problèmes et enjeux communs, développer des activités de terrain avec les associations, organiser la sensibilisation par des débats, des cinéclubs, des actions dans l’espace public, développer des réseaux locaux de militants, partenaires associatifs et institutionnels au sein des organisations du MOC et en dehors.…

    – Concevoir, réaliser et animer des outils pédagogiques destinés aux adultes en soutien à l’action

    – Rédiger des rapports de réunion et des synthèses et des analyses sur base d’actions mises en place.

    PROFIL – CONDITIONS

    – Capacités d’animation et de gestion de projet.
    – Compétences d’animation de groupe, de suivi de projets citoyens et de mobilisation collective pour mettre en oeuvre de manière créative et rigoureuses des actions de participation citoyenne
    – Être en capacité de travailler avec des publics variés et dans différents contextes
    – Capacités d’organisation, d’analyse et de synthèse ainsi que le sens des responsabilités.
    – Bonnes capacités de rédaction ainsi que d’utilisation courante de l’outil informatique.
    Sensibilité/Intérêt pour l’actualité politique, économique et sociale notamment à l’échelle communale
    Connaissances des institutions politiques, économiques, sociales et culturelles, notamment au niveau des communes.
    – Capacités relationnelles pour développer des contacts locaux ponctuels et réguliers
    – Bonne capacité à se documenter et prendre des contacts afin de s’approprier des problématiques socio-économiques locales
    – Esprit d’équipe, faire preuve de créativité et d’esprit d’initiatives
    – Être disponibles occasionnellement en soirée et le WE
    – Adhérer aux valeurs du Mouvement Ouvrier Chrétien.
    – Etre en possession d’un passeport APE, valide pour le secteur non marchand, d’un permis de conduire de catégorie B et d’un véhicule personnel

    LIEU DE TRAVAIL

    – Siège social du CIEP Liège, les zones de Huy et Waremme + occasionnellement d’autres lieux de la région de Liège possible.

    Les candidatures (lettre d’accompagnement, C.V. et copie du passeport APE) sont à adresser exclusivement par mail à Wilfried Schleck, directeur (schleck@mocliege.org) avant le 3 avril 2020.

    CIEP Liège – Offre d’emploi animateur mars 2020

  3. Compte-rendu « L’avenir du travail vu du Sud »

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    Compte-rendu d’après l’intervention du 30 janvier de Cédric Leterme du CETRI à la CSC de Liège

    Le discours officiel sur l’avenir du travail : une vision partielle et orientée

    Des études et prospectives sur l’avenir du travail se sont multipliées ces 10 dernières années, particulièrement au niveau de grandes institutions internationales telles que l’OCDE, la Banque Mondiale,  le G20 ou le forum de Davos.  Au-delà de constats se voulant objectifs, tous ces discours traduisent surtout stratégiquement et avec une influence certaine une vision de ce qui est souhaitable pour ces grandes institutions et prennent très peu en compte le point de vue des travailleurs, encore moins de ceux issus des pays les plus pauvres. Parallèlement, les thèmes de l’automatisation et de ce que l’on a commencé à appeler l’« ubérisation » sont devenus de plus en plus présents dans l’actualité mais une nouvelle fois, Il s’agit de débats occidentaux concernant l’avenir de l’emploi et du salariat tels qu’on les connait dans les pays les plus riches et industrialisés du nord plutôt que l’avenir du travail au sens large, ce qui pose problème à plusieurs niveaux :

    • La problématique du travail informel et du travail domestique/agricole qui concerne les ¾ des travailleurs dans le monde et se concentre dans les pays pauvres est exclue de la réflexion, cette masse importante de travailleurs n’étant que difficilement représentée par les syndicats et donc également des grandes institutions comme l’OIT.
    • L’importance accordée aux nouvelles technologies dans le discours occidental sur l’avenir du travail semblent disproportionnée. En effet, ces technologies ne sont qu’un facteur parmi d’autres de changement du travail : les changements climatiques, les inégalités, les migrations ou la démographie en sont d’autres au moins tout au si importants voir bien plus pour de nombreuses régions du monde.

    Une « quatrième révolution industrielle » ?

    De même, la notion de « 4ème révolution industrielle »[1] utilisée dans les discours officiels sur l’avenir du travail semble bien servir avant tout d’importants lobbies en faveur d’intérêts commerciaux et industriels privés en faisant passer pour une nécessité inéluctable et « objective » le besoin de reconfigurer le monde du travail, et bien d’autres domaines de nos sociétés, en fonction des nouvelles opportunités commerciales et industrielles que représenteraient ces nouvelles technologies numériques (acquisition et traitement de données, objets de plus en plus connectés via notamment la 5G, robotisation…). Cette soi-disant 4ème révolution industrielle pose donc également problème :

    • D’abord il est très exagéré de parler de révolution lorsqu’une majorité de la population de la planète travaillant dans les pays les plus pauvres n’est quasiment pas concernée.
    • Ensuite, même dans nos pays industrialisés, l’« ubérisation » du travail par exemple reste tout à fait marginal : l’écrasante majorité des travailleurs, en particulier en Belgique, reste des salariés à durée indéterminée.
    • Quant à l’automatisation/robotisation elle sera privilégiée en fonction de son efficacité économique hors comme le dit Vijai Prachad, journaliste et historien indien cité par Cédric Leterme : « Dans la plupart des pays du Sud, le problème ce n’est pas les machines qui remplacent le travail humain, mais le travail humain qui remplace des machines, parce que ce travail (et les travailleurs qui l’effectuent) ne vaut rien. La question ce n’est donc pas la disparition du travail mais sa dégradation« 
    • Sur la robotisation, il est intéressant de remarquer que le projet du géant Amazon sur ce point s’appelle « Amazon Mechanical Turk», ce terme fait en effet référence au « Turc mécanique » célèbre canular construit à la fin du XVIIIe siècle où il s’agissait d’un prétendu automate doté de la faculté de jouer aux échecs dans lequel se cachait en fait un être humain. La référence nous rappel bien qu’au-delà de quelques prouesses techniques très médiatisées, l’«intelligence artificielle » est souvent…artificielle car elle repose la plupart du temps sur une armée de travailleurs bien réels comme dans ces nouvelles plateformes en Inde ou au Maghreb ou des milliers de travailleurs cliquent devant des ordinateurs afin de nourrir des algorithmes.
    • On peut également remettre en cause le côté inéluctable ou « naturel » que certains prêtent trop rapidement à cette 4ème « révolution » comme pour le discours d’il y a une dizaine d’années sur une mondialisation incontournable et fondamentalement souhaitable pour tout le monde. Il s’agit davantage de choix politiques et commerciaux que du fruit de processus « naturels » et l’enthousiasme consensuel trop fréquent de nos décideurs politiques manque souvent de distance critique[2]. De même, des équations rapides comme « plus de technologie égale moins d’emploi » ou l’idée que la place des états dans le monde dépendra principalement de leur supériorité technologique, paraissent assez simplistes au regard de l’histoire et accordent de nouveau beaucoup trop de place à ce seul facteur technologique.

    Les conséquences des évolutions technologiques ne sont pas uniformes et comparables partout dans le monde

    Le discours global sur l’avenir du travail masque le fait que les conséquences des évolutions technologiques ne sont pas uniformes et comparables partout dans le monde :

    • Il est clair que les pays plus riches du Nord se situent du côté « utilisation, commercialisation » des nouvelles technologies alors que les pays plus pauvres du Sud se situent bien plus du côté « extraction, déchets et recyclage ». Répartition qui est donc inégale en particulier au niveau des dégâts écologiques.
    • Par contre, si l’« ubérisation » peut être vue à juste titre comme une menace sur l’emploi et le salariat dans nos sociétés, du côté des travailleurs informels des pays du Sud le fonctionnement en plateformes permet parfois de sortir de l’informel et de mieux structurer les travailleurs entre eux (des exemples positifs existent en Afrique du Sud ou en Indonésie dans le secteur des vélo-taxis notamment).

    De véritables changements au niveau de l’économie mondiale

    Les grands discours sur l’avenir du travail ont tendance également à détourner l’attention de certains véritables changements au niveau de l’économie mondiale qui sont pourtant d’une importance cruciale :

    • La numérisation a entraîné l’importance économique croissante de la récolte et de l’utilisation massive de données via des algorithmes, à tel point qu’on parle à présent parfois de de ces données en terme de « nouvel or noir ». De fait, les entreprises les plus influentes du monde ne se situent plus dans le domaine de l’extraction pétrolière mais bien dans celle des données numériques (les « GAFA » : Google, Apple, Facebook et Amazon).
    • En parallèle, on est face à une concentration monopolistique sans précédent de ces grandes entreprises numériques due en partie à l’effet de réseau (« tout le monde utilise ce service donc je suis presque obligé d’y être aussi »), Google représente 90% de la recherche sur internet au niveau mondial tandis que Facebook domine largement les « réseau sociaux »…le monopole est également géographique puisque l’écrasante majorité de ces entreprises sont avant tout américaines, ensuite chinoises. De ce point de vue, L’Union Européenne est loin derrière en l’absence de véritable régulation ou de politique industrielle commune en partie due au dogme de la libre concurrence qui règne parmi ses dirigeants.
    • L’économie des données favorise une nouvelle division internationale du travail et de nouveaux rapports de dépendance et d’exploitation Nord-Sud avec des conséquences énormes sur l’avenir du travail. La question de la régulation de cette économie numérique est donc amenée à faire de plus en plus l’objet de choix politiques très importants, malheureusement bien souvent pour le moment sans vrai débat public.[3]

    Il n’y a pas UN avenir du travail inéluctable et la notion même de « travail » est loin d’être universelle.

    Au final, Il n’y a pas UN avenir du travail inéluctable et la notion même de « travail » est loin d’être universelle. Nous devons y être attentif en tant qu’ONG et mouvements sociaux et sortir parfois de notre vision de l’emploi salarié comme modèle indépassable et forcément le plus souhaitable pour tous. De même nous devons mieux tenir compte des réalités du Sud, comme le fait que l’interlocuteur principal des travailleurs informels de ces pays est bien plus l’État que des employeurs inexistants.  De manière générale, nous ne devons pas nous contenter d’une vision restrictive dans laquelle le « Sud » serait l’anti chambre du « Nord », voué à nous rattraper un jour ou l’autre : dès maintenant, les pays du Sud développent des alternatives dont nous pouvons nous inspirer.

    Pour en savoir plus: « L’avenir du travail vu du Sud – Critique de la « quatrième révolution industrielle  » Editions Syllepse

    [1] L’inventeur, ou en tout cas un des plus fervent défenseur de ce « concept », n’est autre que Klaus Schwab, le fondateur du « forum économique mondial » de Davos dont le financement est assuré par les 1 000 entreprises membres, le profil type de celles-ci étant une multinationale réalisant un chiffre d’affaires supérieur à cinq milliards de dollars (source : Wikipedia)

    [2] Voir par exemple l’absence de débat sur la « 5G » alors que la pertinence du « tout numérique/tout connecté » pause tout de même beaucoup question ne serait-ce qu’au niveau de son côté insoutenable écologiquement vu notamment les minerais et l’énergie nécessaires…

    [3]Des négociations d’une importance cruciale sont actuellement en cours à l’OMC ou par exemple au sujet de l’ALENA (accord de libre-échange entre USA, Canada et Mexique) au sujet de la libre circulation des données ou l’absence de transparence possible sur les algorithmes (alors qu’on voit l’importance que ceux-ci ont pris dans le débat politique, voir leur rôle dans le référendum sur le BREXIT ou l’ élection de Donald Trump…).

  4. Retour sur un voyage d’immersion Solidarité Mondiale en République Dominicaine du 8 au 23 novembre 2018

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    https://dev.petithanb.be/moc-old/IMG/jpg/batey.jpgLe 8 novembre dernier, un groupe de 12 personnes provenant d’organisations MOC sur Liège mais également de nos partenaires au Burkina Faso (CNTB, RAMS, MUFEDE) s’est rendu en République Dominicaine dans le cadre d’un voyage d’immersion organisé par Solidarité Mondiale à la rencontre des organisations sociales partenaires de l’ONG sur place.

    Au programme, quatorze jours de visites de terrain et de témoignages liés au travail d’AMUSSOL, CASC, CONAMUCA, FEI, MOSCTHA et TURISSOL[1]. De nombreuses rencontres effectuées d’est en ouest et du nord au sud du pays à la découverte de ces mouvements sociaux qui agissent dans le but d’améliorer l’accès à la protection sociale et aux soins de santé, le dialogue social et les droits des travailleurs, le développement d’un tourisme durable, les droits des femmes ou encore permettre aux communautés rurales de développer des activités complémentaires de revenus.

    Plutôt de que d’énumérer tout ce que nous avons découvert durant ce séjour, deux aspects du travail des partenaires de Solidarité Mondiale dans ce pays rendent particulièrement bien compte dans leur contraste de l’impression générale laissée par ce voyage.  

    Situation des migrants haïtiens dans les Batey

    Une partie de notre voyage aurait dû se dérouler à Haïti mais une situation très tendue liée à des manifestations contre le président en place et son gouvernement nous a contraint à annuler pour des raisons de sécurité.https://dev.petithanb.be/moc-old/IMG/jpg/clinique_mobile.jpg

    Formant une même île, Haïti et la République Dominicaine ont pourtant des situations et une histoire très différentes sur certains points (en termes géographiques et environnementaux, de passé coloniale, de langue et de culture…). Ces différences ont entraîné au final de grands écarts socio-économiques, nettement en défaveur d’Haïti, qui font que les situations de ces deux pays restent fortement liées avec notamment près de 700.000 migrants haïtiens présents en République Dominicaine, venus dans l’espoir de trouver du travail.  Nos rencontres, parmi les plus marquantes de notre voyage, avec les habitants des « Batey » Manolo et LaLouisia dans la province de Monte Plata et le Batey n°6 de Barahona, nous ont permis de nous rendre compte de cette réalité.  

    Les «Batey » sont à la base des campements mis en place par l’état dominicain dans les zones agricoles pour abriter les travailleurs des champs de cannes à sucre pour la plupart d’origines haïtiennes. L’exploitation de la canne à sucre a été une des principales ressources du pays pendant de nombreuses années mais la conjecture mondiale l’ayant rendue beaucoup moins rentable, cette culture a commencé à être privatisée à partir des années 90 puis laissée progressivement à l’abandon. Tout comme les habitants de ces Batey, qui y sont restés malgré tout faute de travail et de moyens de se déplacer, moins mobiles que les investisseurs.

    Présents depuis des dizaines d’années ou même nés dans ces Batey, ils restent pourtant officiellement haïtiens avec très peu de perspectives d’obtenir des papiers dominicains et sans plus d’attaches avec Haïti. Ils sont ainsi plusieurs centaines de milliers à vivre dans des conditions très précaires (en termes d’accès à l’eau potable, aux sanitaires, aux soins médicaux…) sans véritable statut, sans protection sociale, oubliés… en témoigne un homme de plus de 80 ans habitant depuis qu’il est jeune le Batey Manolo : « un pays qui vous accueil devrait pouvoir vous offrir un avenir mais moi j’ai juste coupé de la canne, coupé de la canne, coupé de la canne… ».  Des campagnes de régularisation ont tout de même été mises en place récemment par l’Etat Dominicain, mais comme nous l’a expliqué un autre habitant du Batey  Manolo, pour espérer être régularisé, et encore…provisoirement, ils doivent retourner en Haïti pour se procurer leurs actes de naissance, voyage qui coûte plus de 100$ alors qu’ils vivent avec à peine 1$ par jour…

    Face à cette situation, le MOSCHTA (Mouvement Socio-Culturel pour les Travailleurs Haïtiens), association partenaire de Solidarité Mondiale en République Dominicaine, soutient les habitants de ces Batey sous forme d’aide juridique pour l’obtention de papiers, d’accès à l’eau potable, de cliniques ambulantes, d’installation de latrines ou encore de services funéraires… la reconnaissance des droits des migrants haïtiens fait également partie des revendications politiques les plus importantes portées ensemble par les 5 associations partenaires de Solidarité Mondiale en République Dominicaine dont fait partie le MOSCHTA[2].

    Tourisme de masse, un aspect important de la République Dominicaine

    https://dev.petithanb.be/moc-old/IMG/jpg/casc.jpgCocotiers et plages de sable fin sont souvent les premières images qu’évoquent la République Dominicaine. De fait, depuis déjà pas mal d’années, le pays a fortement misé sur le tourisme de masse à tel point que ce secteur représente à l’heure actuelle presqu’un quart de son PIB et qu’il serait devenu, proportionnellement à sa taille, le pays qui génère le plus de bénéfices touristiques dans toute l’Amérique latine. Ainsi, les chiffres de croissance et de richesse du pays sont poussés à la hausse artificiellement car étant très mal répartis. Comme nous l’a dit un enseignant militant de la CASC de Santiago « De l’argent il y en a en République Dominicaine mais c’est de plus d’égalité dont le pays a besoin ».   

    Ce développement du tourisme de masse et des emplois qui vont avec, concerne principalement une petite partie du pays située sur la pointe occidentale de l’île, là où se trouve « Punta Cana », célèbre destination touristique emblématique de cette situation à tel point qu’elle possède son propre aéroport. Les principaux investisseurs propriétaires, actionnaires et exploitants des hôtels et des plages (pour la plupart privatisées) semblent être principalement des Italiens et des Espagnols (NH Group Hôtel…). Il faut dire que le pays ne manque pas d’attraits : avantages fiscaux, salaires mensuels autour de 250$, personnel souriant… L’offre touristique est donc très importante, c’est le moins que l’on puisse dire, avec de véritable villages hôteliers proposant des formules « All inclusive » et des milliers de chambres avec en coulisses de véritables armées au service du touriste : certains des plus gros complexes hôteliers comptent jusqu’à 3000 travailleurs ! L’équivalent d’importants hôpitaux en Belgique… Nous avons pu rencontrer des délégations syndicales de ces travailleurs du secteur touristique (hôtellerie, transports, boutiques d’artisanat, responsables des commerces de plages…) afin qu’ils puissent nous expliquer comment les travailleurs s’organisent pour essayer d’obtenir de meilleures conditions de travail.

    On s’en doute, les abords de ces villages hôteliers où vivent ces travailleurs font moins rêver les touristes. À 5 minutes à peine de ceux-ci, ce sont les mêmes quartiers populaires qu’on retrouve également dans l’arrière-pays : rues sales et bruyantes à peine goudronnées, sans trottoirs, bordées d’échoppes et d’habitations bricolées au travers desquels les fils électriques et la circulation anarchique essaient de se frayer un chemin…Pays de contrastes, comme nous le montre les brochures touristiques, et pas que paysagés…

    Un autre aspect lié au tourisme est que les Dominicains, faute de temps mais surtout de moyens, le pratique très peu au sein même de leur propre pays. Partant de ce constat, TURISSOL, une organisation partenaire de Solidarité Mondiale sur place, essaie de développer une offre touristique durable et accessible aux familles dominicaines. A l’ombre des grands « tours opérateurs », TURISSOL vise et défend un tourisme à taille humaine pouvant bénéficier plus largement aux communautés locales du pays qui possède bien d’autres richesses naturelles et culturelles que la seule zone de Punta Cana.

    [1] https://solidaritemondiale.be/Nos-partenaires-en-Republique.html

    [2] https://solidaritemondiale.be/Rendre-leur-dignite-aux-travailleurs-migrants-en-Republique-Dominicaine.html

  5. Retour d’un voyage en Bolivie en 2011

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    Du 18 novembre au 2 décembre, dix permanents et bénévoles du Mouvement Ouvrier Chrétien sont partis à la rencontre des partenaires de Solidarité Mondiale en Bolivie [1]. Un voyage qui a permis de mieux connaître l’engagement, les actions et les projets menés par les mouvements sociaux soutenus par notre ONG, mais aussi d’avoir un aperçu de la complexité du processus de changement politique en cours dans ce pays.

    Contexte politique

    Élu président en 2005 puis réélu confortablement (64%) pour un deuxième mandat en 2009, l’arrivée au pouvoir d’Evo Morales et, aux élections législatives, de son parti le MAS (Mouvement vers le socialisme) a marqué un tournant dans l’histoire de la Bolivie. Premier président d’origine indienne (60% de la population) et paysanne, il incarne un changement socialiste qui succède à l’alternance de périodes de conflits, de dictatures et plus récemment d’application de recettes néo libérales basées notamment sur la privatisation et les investissements étrangers.

    L’arrivée au pouvoir d’Evo Morales qui a suscité l’enthousiasme d’une bonne partie de la population jusque-là marginalisée, s’est concrétisée par un vaste chantier participatif de modification de la constitution ainsi que des mesures ambitieuses et inédites : des avancées en termes de protection sociale, autonomie de communautés indigènes et territoriales, nationalisation partielle de l’exploitation du gaz et du pétrole… En outre, durant cette période, les finances de l’État ont bénéficié de l’augmentation du prix des matières premières.

    Toutefois, au bout de 6 ans de mandat, nous avons pu nous rendre compte à travers de nombreuses rencontres que les déceptions et critiques envers le pouvoir en place ne manquent pas à l’heure actuelle en Bolivie. Qu’il s’agisse de reprocher au final la lenteur et la « tiédeur » des réformes socio-économiques dont les effets concrets tardent à se faire sentir, certaines dérives autoritaires du pouvoir en place ou encore le changement d’attitude du gouvernement face aux mouvements sociaux.

    Mouvements sociaux

    Ce dernier point est particulièrement sensible actuellement depuis l’épisode du « TIPNIS » [2] qui a vu, le 27 septembre 2011 à Yucumo, les forces de police gouvernementales réprimer violemment une marche indigène contre le projet de construction d’une route qui devait traverser leur territoire. Un paradoxe pour un gouvernement présenté comme celui des « mouvements sociaux » ; et pour un président qui n’hésite pas à jouer la carte de son origine ethnique, et qui est arrivé au pouvoir en partie grâce au soutien des ONG.

    « Notre court séjour nous a permis de voir à quel point la contestation sociale est vivace en Bolivie : pas une journée sans une manifestation à La Paz [3]« 

    … sans qu’une rue soit bloquée par des pneus en feu, des pierres ou une marche de protestation.

    Moyens supplémentaires pour l’université de El Alto [4] et gratuité du BAC, augmentation des pensions du secteur de la santé, prolongation de mesures de régularisation de véhicules arrivants aux frontières destinés à la vente, augmentation du prix de l’essence…les motifs sont aussi nombreux et variés que les moyens utilisés pour se faire entendre.

    « C’est que la politique est omniprésente en Bolivie et de manière beaucoup plus directe que chez nous. »

    Au-delà de participer aux élections, des tas de mobilisations se mettent en place au nom des étudiants, femmes, paysans, « grémiales » (vendeur de rue de l’informel), habitants des quartiers pauvres… le tout organisé en un dédale de fédérations, confédérations, coopératives et sections locales qui chacune présentera ses recommandations aux gouvernement, fera jouer ses représentants au sein du parlement, revendiquera une place dans la constitution puis sa concrétisation en lois et finalement l’application réelle, parfois fort lointaine, de celles-ci.

    En effet, si la politique en Bolivie apparaît très vivante, on a en même temps l’impression qu’elle dépasse rarement la sphère idéologique ou symbolique et que lorsque c’est le cas (nationalisation du pétrole par exemple), elle peut s’avérer plus riche en compromis qu’annoncer au départ.

    « Evidemment tout ceci ne se passe pas sans divisions d’intérêts et différences idéologiques comme nous avons pu nous rendre compte »

    … notamment lors d’une rencontre avec les représentants d’une confédération de la jeunesse proches du MAS. En effet, ceux-ci nous ont exprimé leur désaccord avec certaines des organisations partenaires de Solidarité Mondiale en Bolivie. Jusqu’à avoir voulu leur faire fermer boutique, ils leur reprochent de ne pas être des ONG « natural », c’est-à-dire d’être dépendantes d’ONG internationales, pas assez gérées par la base (dans ce cas-ci le public jeune issu des quartiers pauvres) voir pas assez indigène et surtout n’ayant pas une vision du changement suffisamment politique pour être efficace.

    Ce genre de critiques liées au contexte politique bolivien a en tout cas le mérite de nous poser la question, souvent trop vite contournée, de l’influence des forces politiques et idéologiques nationales sur l’action des partenaires soutenus par les ONG et le type de développement promu par celles-ci. De même, la question de la manière dont on se positionne vis-à-vis de revendications identitaires ou « nationalistes » que nous sommes habitués à rejeter quand elles concernent le replis d’une communauté privilégiée sur ses acquis. Ce qui n’est pas le cas en Bolivie puisqu’il s’agit d’avantage de de la reconnaissance et de l’accès au pouvoir politique de communautés économiquement faibles qui pendant longtemps n’ont pas eu droit au chapitre dans leur pays et l’ont encore moins dans la mondialisation. Si cette recherche d’identité est au cœur du processus de changement bolivien, comme l’atteste la nouvelle constitution qui reconnaît le caractère multiethnique de la nation bolivienne, elle demeure visiblement un point de tension important dans le pays.

    TRAVAIL INFORMEL

    Le fait que les ¾ des travailleurs se situent dans le secteur informel (économie parallèle) est une autre réalité importante en Bolivie, partagée par de nombreux pays pauvres. L’activité informelle s’y développe sur le peu d’appareil productif générateur d’emplois et sur fond d’exode rural croissant vers les grandes villes.

    Une forme de pension a été mise en place pour ces travailleurs qui n’ont jamais cotisé, certains soins de santé de base sont en principe accessibles et certains droits sont reconnus aux travailleurs. Malgré tout, on renonce facilement à ces droits par crainte de perdre son revenu ou de formalités qui risquent d’être longues et le secteur pour l’instant reste exclu du système embryonnaire de sécurité sociale. De plus…

    « les conditions de travail sont souvent dures dans la rue : de nombreux problèmes de santé en témoignent, la journée de travail s’étale de « soleil à soleil », comme ils disent, et de nombreux enfants partagent celles-ci avec leurs parents au lieu d’aller à l’école. »

    Malgré cela, nous avons pu nous rendre compte à quel point ces travailleurs restent collectivement bien organisés pour défendre leurs intérêts alors qu’ils restent marginalisés, malgré leur importance considérable, dans le paysage syndical institutionnel du pays. Celui-ci restant dominé par quelques grands secteurs formels, notamment minier.

    Bien que le rapport à l’État soit par définition assez réduit, celui-ci tente par exemple à La Paz d’améliorer la situation des marchés quasi autogérés, que nous avons pu visiter, en terme d’hygiène, d’infrastructures ou encore d’installation électrique. Toutefois, cette a priori louable intervention des pouvoirs publics locaux dans l’informel ne va pas sans se heurter à des oppositions, dont la moindre n’est pas le fait de devoir payer une taxe, liées notamment à la crainte pour certains commerçants de voir mis à mal tout un système acquis de privilèges et hiérarchies bien établis.

    « En fait, vu son ampleur,le travail informel constitue une réalité bien plus complexe qu’un simple retard ou stade inférieur à notre modèle de salariat occidental : »

    avoir plusieurs boulots dans l’informel peut être considéré comme plus sûr que n’avoir qu’un seul emploi salarié que l’on peut risquer de perdre, de même informel ne rime pas nécessairement avec pauvreté : de grosses différences de revenus existent en fonction du fait d’être propriétaire de son commerce, en fonction de son secteur d’activités, de sa position sociale

    L’économie informelle, ainsi que les autres éléments de tension abordés brièvement dans ce témoignage, constituent plus que jamais des défis majeurs du processus de changement qui est cours en Bolivie. Un processus dont le plus grand mérite est sans doute d’avoir donné légitimité et fierté à une population mise en marge de la société pendant de nombreuses années.

    [1LES PARTENAIRES DE SOLIDARITE MONDIALE EN BOLIVIE :

     

    CRISOL

    (Corriente de Renovaciõn Independante y Solidaridad Laboral)
    Crée à la fin des années 70 sous la dictature du général Hugo Banzer pour organiser la résistance aux persécutions de syndicalistes, il s’agit actuellement d’une coupole d’organisations affiliées, pour la plupart syndicales (artisans, chauffeurs, mineurs, services…), dont l’action se base principalement sur la formation.
    CRISOL constitue également un courant idéologique au sein de la COB (centrale ouvrière bolivienne unique) et à ce titre adopte au cours de congrès des stratégies et positions politiques comme par exemple récemment concernant la nouvelle loi nationale de sécurité sociale.
    L’action de formation de CRISOL est particulièrement reconnue en matière de « capacitation » syndicale et politique avec des centaines de personnes formées chaque année dont certaines deviennent responsables syndicaux ou politiques, constituant autant de relais possibles pour CRISOL au sein de la COB, des mairies, du sénat ou encore du parlement national.
    Notons également qu’en allant à l’encontre du caractère actuellement assez figé du paysage syndical bolivien, dans lequel certaines centrales historiquement importantes continuent de garder une position dominante, CRISOL défend une meilleure prise en compte de la réalité économique et sociale actuelle du pays à travers notamment la reconnaissance de l’importance du secteur informel.

     CASA WAKI

    Développe à la fois une action proche de ce qui se fait chez nous sous forme d’écoles de devoirs pour les enfants et d’insertion/formation pour les jeunes.
    La CASA WAKI est ancrée dans la ville d’El Alto (voir encadré) et son action prend son sens dans la réalité que vivent les habitants de celle-ci : pauvreté, manque d’emploi pour les jeunes, travail informel des parents, enfants des rues…
    C’est ainsi que CASA WAKI propose des formations en tissage, travail du bois ou encore culture de plantes à des jeunes qui peuvent suivre ces programmes après l’école. Via du microcrédit, formations en commerce et soutien à la création d’entreprises certains jeunes peuvent également reprendre l’activité de leur parents ou lancer la leur afin de soulager financièrement ces derniers. Enfin cette organisation très dynamique propose également divers « cafés jeunes », festivals de danse ou de théâtre et sensibilise sur les droits des jeunes travailleurs.

     Gregoria APAZA

    Situé également à El Alto, à partir d’un objectif général de promotion des droits des femmes, ce véritable centre de formation propose, aux femmes mais aussi aux jeunes, différents programmes de formations techniques : couture, informatique, commerce…, ou encore des formations de « capacitation » politique et citoyenne de même que par exemple une radio et un magasin d’artisanat « équitable ». Gregoria APAZA est une célèbre leader indienne Aymara en révolte contre les espagnoles, qui finirent par l’exécuter fin du 18ème siècle.

     SENTEC

    Dans la région minière d’Oruro, l’organisation développe différents programmes d’actions autour de la médecine traditionnelle (production et vente de médicaments à base de plantes, services de massage pour bébés et réflexologie…) et de la formation technique sous forme notamment de cours du soir (soudure, tournage/fraisage, fours solaires ou encore production de serres en bouteilles plastiques réutilisées). SENTEC, en collaboration avec un service public de santé, développe aussi dans une commune rurale une action, peu courante dans le pays, d’accompagnement des personnes du troisième âge dans leur vie quotidienne (massages, gymnastique, alimentation…).

    [2Territoire Indigène Parc National Isiboro Sécure

    [3capital administrative et siège du gouvernement

    [4] El Alto « la ville haute »

    Située à 4150 mètres d’altitude juste au-dessus de La Paz, capitale administrative du pays, El Alto est une immense banlieue pauvre alimentée par les migrants issus des campagnes environnantes. Officiellement depuis 1984, cette agglomération est considérée comme une ville à part entière, elle dispose d’ailleurs de son propre aéroport, son université et sa cathédrale.

    Simple annexe agricole de La Paz regroupant 10 000 personnes dans les années 50 et actuellement forte de plus d’1 millions d’habitants, elle concentre une série de problèmes liés à et son accroissement rapide, la pauvreté de sa population et des conditions climatiques et géographiques difficiles : accès aux services de base (santé, écoles, eau, égouts…), peu d’emplois, règne de l’informel, expansion incontrôlable ….

    Ce qui la reproche sans doute de ce qu’on peut entendre par « bidonville » même si sa configuration de même que son apparence à priori s’en éloignent : en effet, la ville s’étale sur une immense étendue de plaines qu’encadrent des chaînes de montagnes, à travers un vaste quadrillage monotone d’habitations modestes « construites en dur » permettant la circulation de nombreux taxis et bus. Le caractère apparemment organisé de la ville tranche donc avec les amas chaotiques d’habitations de fortune que l’on peut voir aux abords de nombreuses grandes villes pauvres du monde. Malgré tout, la marginalisation géographique et économique de la population d’El Alto est évidemment source de tensions avec sa voisine La Paz, qu’elle dépasse désormais en termes de population, de même qu’un enjeu considérable pour l’ensemble du pays.

    Pour ces raisons, plusieurs partenaires soutenus par Solidarité Mondiale en Bolivie sont particulièrement actifs dans les quartiers d’El Alto, en particulier avec les femmes et les très nombreux jeunes et enfants qui y vivent.

  6. Changements climatiques : impacts sur les migrations et les inégalités mondiales

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    Désormais, en plus des facteurs économiques et politiques, l’impact du climat sur les mouvements de population à travers le monde est devenu une réalité : températures et sécheresses records, ouragans, inondations…ces phénomènes font de plus en plus partie de l’actualité tandis que les réfugiés climatiques semblent bien incarnés les premières victimes du réchauffement global. Actuellement les déplacements dus à des catastrophes naturelles sont déjà une réalité pour des millions de gens et à l’avenir, plusieurs zones importantes du monde pourraient même devenir totalement inhabitables.

    L’impact de l’activité humaine sur le climat et tous les effets que cela entraîne sont de plus en plus difficile à nier. En même temps, notre société au niveau politique, économique et citoyen semble loin d’anticiper suffisamment l’ampleur de ces changements alors que, de moins en moins exceptionnelles, ces migrations climatiques ont désormais acquis un véritable caractère structurel.

    C’est pourquoi Il est grand temps d’en faire un véritable sujet politique et social et plus seulement une question d’« environnement » : qu’est ce qui peut encore être fait pour éviter cette situation ? Quel statut reconnaître à ces personnes déplacées ? pour quelle type d’aide nationale ou internationale ? Et dans le cadre d’une responsabilité environnementale globale, comment intégrer la responsabilité des états qui émettent le plus de gaz à effet de serre ?

    Avec François Gemenne : originaire de Liège, spécialiste de l’immigration et du changement climatique, enseignant et chercheur entre autres à l’Université de Liège et à Science-Po Paris, auteur de « Géopolitique du climat » (Armand Colin, 2015), régulièrement sur le devant de la scène médiatique en France, en Belgique et au-delà avec de nombreuses interventions percutantes sur le sujet.

    Climat brûlant pour nos petits-enfants

    compte-rendu réalisé par par Philippe Lamotte pour le journal de la Mutualité Chrétienne « En Marche »

    Un monde plus chaud de 2 à 4 degrés exacerbera vraisemblablement les tensions à la surface de la planète. Dès lors, la question de la solidarité s’invite – plus que jamais – à la table des décideurs, notamment politiques, comme des simples citoyens.


    À Liège, l’autre soir, une assemblée de militants syndicaux et d’acteurs du développement Nord/ Sud a tressailli, quelque peu hébétée, à l’analyse de François Gemenne, enseignant en sciences politiques dans plusieurs universités belges et françaises (1). Pour ce spécialiste de géopolitique, nous commettons l' »erreur tragique » de considérer la question climatique comme une pure affaire météorologique. « Toutes les grandes questions du 20e siècle – migrations, sécurité, santé publique, rapports Nord/Sud et même terrorisme – seront chamboulées par le climat au cours du 21e siècle ».

    Un monde plus chaud… et plus violent

    Pourquoi ? Parce qu’un scénario considéré comme improbable il y a quelques années encore – une augmentation de la température moyenne du globe d’environ 4°C à la fin du siècle – est aujourd’hui devenu probable. Même la Banque mondiale le reconnaît. Oubliez la perspective prometteuse d’étés plus confortables : 4 degrés est une moyenne, ce qui signifie que certaines régions du globe – en Iran, au Koweït, au Pakistan, mais aussi aux États-Unis – vont devenir inhabitables. Un pays comme le Vietnam est quasiment assuré de perdre 10% de son territoire à la suite de la montée des eaux. « Les deux grandes zones de tensions futures sont l’Asie du Sud-est et l’Afrique subsaharienne, là où la démographie est déjà galopante », estime François Gemenne, car « un monde plus chaud sera un monde plus violent, puisque plus compétitif pour les ressources naturelles ».

    L’expert préconise d’éduquer prioritairement les « vieux » – et non les « jeunes » – à la gravité du phénomène en cours. Il est bien conscient, à cet égard, de ramer à contre-courant de l’opinion majoritaire dans l’univers de l’éducation et de la sensibilisation au réchauffement climatique. « Nous n’avons pas le temps d’attendre que la nouvelle génération arrive au pouvoir. Ceux qui sont aux manettes doivent agir dès maintenant ». La raison en est simple : pour des raisons physiques, le réchauffement actuel est l’oeuvre de nos grands-parents – deux générations s’écoulent entre les émissions de gaz à effet de serre et les manifestations de leurs effets. De ce fait, lutter contre le bouleversement du climat est une affaire de solidarité intergénérationnelle : c’est pour nos petits-enfants que nous nous battons aujourd’hui !

    Un paradoxe insupportable

    Solidarité dans le temps, mais aussi dans l’espace, avec cette question éminemment morale : « sommes-nous capables d’altruisme envers des individus qui ne sont pas encore nés ou vivant dans des pays lointains ? Pouvons-nous reconnaître les habitants du Bangladesh ou d’îles du Pacifique (NDLR : menacés par la montée du niveau des mers) comme parties de nous-mêmes, membres d’une même humanité ? » La façon dont l’afflux récent de migrants en Europe a été géré laisse l’expert dubitatif, alors que d’autres régions du mon – de sont soumises à des flux migratoires bien plus importants qu’en Europe. « Nous vivons un paradoxe insupportable et intenable à long terme : la planète est de plus en plus mondialisée mais vit de plus en plus fracturée, rivée sur des frontières nationales. »

    Dans son ouvrage de 2015 (2), passionnant, François Gemenne proposait déjà, dans certains cas, de faciliter et d’encourager les migrations (comme stratégies d’adaptation au changement climatique), soit un « renversement total de perspective ». Mais il prévient (3) : on n’arrivera à relever un tel défi que si on parvient à donner aux opinions publiques une image infiniment plus nuancée de la migration, débarrassée des préjugés et des clichés. Cela suppose de « faire le deuil de la simplicité ». Enfin, à toutes les bonnes volontés individuelles qui veulent « faire quelque chose pour le climat » (dans leur façon de se déplacer, de manger, de se chauffer, de se vêtir, etc.), il invite à la vigilance. « Une victoire majeure de l’idéologie néolibérale a consisté à faire croire que nos choix individuels de consommation pouvaient façonner, à eux seuls, la solution collective au changement climatique. Ce faisant, elle a réussi à nous faire oublier le poids – bien plus considérable – des choix collectifs et des mobilisations sociales. Rouler à vélo ne sert pas à grand-chose si l’on oublie de militer pour des pistes cyclables »…


    (1) François Gemenne était invité par la CSC et Solidarité mondiale à s’exprimer sur les impacts des changements climatiques sur les migrations et les inégalités mondiales.

    (2) Géopolitique du climat. Négociations, stratégies et impacts. Ed.Armand Colin, 2015, 213 p.

    (3) Magazine Symbioses, n°116, www.symbioses.be

  7. Retour sur un voyage d’immersion au Burkina Faso en 2015

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    Début février, un groupe de 12 militants et professionnels de la CSC, la Mutualité Chrétienne, Vie Féminine et la JOC de Liège ont participé durant 15 jours à un voyage d’immersion organisé par Solidarité Mondiale au Burkina Faso. La plupart n’étaient encore jamais allés dans ce pays mais  un voyage similaire avec d’autres participants a eu lieu il y a 5 ans dont le but était déjà de rencontrer sur place les partenaires de Solidarité Mondiale, la CSC et la Mutualité Chrétienne de Liège, découvrir leur action et en témoigner par la suite.

    Prévu au départ en novembre 2014, ce voyage a bien failli ne jamais avoir lieu. Entre les craintes liées à la propagation du virus Ebola et le soulèvement populaire d’octobre qui a réussi à faire tomber un pouvoir en place depuis 27 ans, nous avons finalement reporté le voyage début février 2015. Notre séjour s’est donc déroulé dans « un pays des hommes intègres » au début d’une transition démocratique pleine d’espoirs et d’inconnues qui devrait déboucher sur des élections dans moins d’un an. Dans ce contexte, voici quelques impressions qui viennent compléter celles de notre premier voyage en 2009. 

    La CNTB (Confédération Nationale des Travailleurs du Burkina) 

    Principal partenaire à nous accueillir, il s’agit d’une des confédérations syndicales les plus importantes du pays, présente depuis les années soixante et forte de plus de 120 000 affiliés, elle essaie de rassembler une multitude de syndicats autonomes structurés par entreprises ou corporations. Plus que jamais, de nombreuses difficultés et enjeux concernent actuellement l’action syndicale de la CNTB :

    • Plus encore que lors de notre voyage de 2009, le pays continue de subir des fermetures d’entreprises nationales ou privées ainsi qu’une ouverture à la mondialisation qui ne laisse aucune chance à d’éventuels productions locales face à ce qui peut arriver moins cher de Chine ou d’ailleurs. De plus, l’extrême dépendance du pays vis-à-vis de l’extérieur ne facilite pas le travail syndicale : suite à 27 ans de pouvoir particulièrement ouvert aux investissements étrangers, pas une entreprise ou une mine derrière laquelle ne se trouvent des investisseurs français, libanais, canadiens, chinois ou qataris ; des routes, des projets d’approvisionnement en eau potable, des cultures financés par les américains, les japonais ou Taïwan sans parler des myriades d’ONG et de partenariats de Belgique ou d’ailleurs…Face à cette situation, quel sera la position du pouvoir qui devrait prendre place en novembre prochain avec un déficit budgétaire de l’état très important ? Certains délégués d’entreprises nous ont par exemple parlé de la nécessité urgente de modifier l’actuel code du travail entièrement tourné selon eux vers l’intérêt des investisseurs étrangers en dépit de celui des travailleurs.
    • Vu les conditions de pauvreté et la place minoritaire du travail salarié « formel » dans le pays, il est très difficile pour un syndicat comme la CNTB d’être financièrement autonome via des cotisations. Pour compléter ces dernières le syndicat reste dépendant des appuis extérieurs comme celui de Solidarité Mondiale et la CSC de Liège ou du soutien de l’Etat burkinabè. Dans ces conditions, le syndicat n’a par exemple pas les moyens de fournir des indemnités de grève et reste donc très limité dans ses moyens de pression. Cela explique en partie la priorité que la CNTB donne à la négociation et au dialogue avec les patrons même si cela va parfois à l’encontre d’une vision plus combative de l’action syndicale que nous pouvons avoir en tant que partenaires belges…
    • Autre moyen d’action privilégié par la CNTB : la formation, que ce soit au niveau des délégués d’entreprises mais également de centres de formations qualifiantes. Concernant ces derniers, nous avons pu visiter deux centres soutenus par la CSC de Liège , l’un à Dapelogo dans la périphérie de Ouagadougou qui propose des formations d’une année en couture ou construction de même qu’un restaurant entreprise de formation fraîchement inauguré situé dans les bâtiments de la CNTB.         
    • Un enjeu actuel important pour la CNTB est également de trouver sa place dans les changements politiques et sociaux que connait le Burkina Faso suite aux événements d’octobre :
      • Même si la CNTB se veut un contre-pouvoir apolitique, elle est consciente du poids plus important qu’elle devrait prendre dans la transformation sociale du pays. Ceci dans un contexte où les principaux déclencheurs du changement, la jeunesse et les plus démunis, semblent se reconnaitre de moins en moins dans le fonctionnement et les valeurs des syndicats qui en sont bien conscients.
      • Toutefois la CNTB, observant quotidiennement l’aggravation de la corruption politique et du manque d’emploi, prétend qu’elle interpelle depuis longtemps les dirigeants politiques sur les révoltes que cette situation ne pouvait qu’entraîner en alimentant la montée en puissance du mécontentement populaire en particulier des jeunes.
      • D’autre part, le vent de liberté qui souffle actuellement au Burkina doit être une opportunité pour la CNTB de se faire entendre au niveau du gouvernement de transition. Par exemple, en ce qui concerne deux revendications actuelles du syndicat : les militaires, une fois la transition achevée, doivent retourner à la caserne et l’État doit diminuer les taxes qui empêchent le prix du pétrole de suivre l’évolution internationale à la baisse.

    Réseau d’appui aux mutuelles de santé

    L’autre partenaire à nous accueillir était le RAMS, Réseau d’Appui aux Mutuelles de Santé, principalement soutenu par la Mutualité Chrétienne de Liège et Solidarité Mondiale. Ce réseau  encadre et structure en antennes locales de nombreuses mutuelles qui représentent près de 37.000 bénéficiaires.

    • Nous avons pu relever une nouvelle fois à quel point les mutuelles locales, appuyées et structurées par le RAMS au niveau communal, sont portées par la mobilisation de groupes de militants. Qu’il s’agisse de groupes de femmes ou de cultivateurs de contons avec des représentants par village ou encore de travailleurs d’une même entreprise. Dans ce dernier cas, un exemple  intéressant nous a été donné lors de la visite d’une entreprise de transformation industrielle de métaux dont le patron a pris en charge l’affiliation de ses travailleurs à la mutuelle locale, les membres de celle-ci gèrent même l’infirmerie au sein de l’entreprise. Visiblement les différentes formes d’adhésion possibles à ces mutuelles  (individuelle, par chef de famille ou par personnes groupées en association) permettent de s’adapter efficacement au contexte culturel, urbain ou rural du Burkina.
    • Toutefois les difficultés restent nombreuses pour le développement des mutuelles de santé au Burkina Faso :
      • Un taux de recouvrement qui reste faible tant le système de cotisation se heurte à des problèmes de pauvreté et de culture : la tendance à considérer que « cotiser c’est appeler la maladie », à ne payer que pour obtenir directement des soins en cas de nécessité sans parler de l’accessibilité parfois très limitée de ceux-ci même en ayant cotisé… face à cette situation le RAMS investit énormément dans la sensibilisation au niveau local que ce soit dans les écoles, sous forme de pièces de théâtre ou encore d’émissions radio. Le RAMS négocie et collabore également avec de nombreuses mairies et centres de santé locaux afin d’essayer d’y améliorer l’offre de soins.
      • Vu le manque de moyens, d’autres difficultés très concrètes sont également rencontrées sur le terrain : le manque d’outils informatiques pour réaliser les collectes de cotisations fait que celles-ci sont compliquées et prennent du temps ce qui empêche de les fractionner davantage pour les rendre plus accessibles financièrement. Le manque de moyens pour réaliser des cartes d’adhésion avec photos afin de limiter la fraude est un autre exemple de difficulté…

    Cohabitation ethnique et religieuse

    Pour finir, on souhaite mettre en avant l’admirable cohabitation religieuse et ethnique que l’on a pu une nouvelle fois apprécier au Burkina Faso surtout vu l’actualité internationale liée au fanatisme religieux et la proximité de ce pays avec le Mali. Durant nos rencontres nous avons pu observer à quel point chrétiens et musulmans vivent, prient, travaillent ou se marient entre eux sans que cela ne semble poser de problème.

    Une des raisons en est peut-être que la religion n’est qu’une composante de l’identité des burkinabés parmi bien d’autres (traditionnelles, ethniques ou géographiques…) et que, malgré toutes les difficultés qu’ils connaissent, les Burkinabès réussissent à maintenir vivantes certaines de leurs valeurs et traditions, notamment via les réseaux de chefs coutumiers, qui paraissent d’efficaces remparts au radicalisme et à la violence. Espérons que cela puisse durer face à une mondialisation subie, inégale et destructrice de lien social de par la misère et le manque d’emploi qu’elle engendre. Tenant compte également du mécontentement exprimé dans la rue en octobre dernier d’une partie de plus en plus pauvre et jeune de la population pour qui les élections prévues fin 2015  devront répondre à beaucoup d’attentes et d’espoir de changement…

     

     

  8. L’accès au logement en Ourthe-Amblève : questionnaire

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    Cela fait maintenant plusieurs mois que le groupe MOC Ourthe Amblève se penche sur l’accès au logement dans cette région…

    En effet, cela fait une dizaine d’années que des communes comme Aywaille, Sprimont ou Esneux attirent de plus en plus de personnes…

    En effet, cela fait une dizaine d’années que des communes comme Aywaille, Sprimont ou Esneux attirent de plus en plus de personnes venant s’y installer en raison à la fois du côté rural de ces communes et de leur proximité avec Liège grâce à l’autoroute E25. D’où la construction continue de nouvelles maisons, notamment groupées en « lotissements », qui à terme transforme le caractère rural de ces communes en banlieue aisée de Liège. D’autant plus que le potentiel en zones constructibles reste encore très important.

    En conséquence, le prix des terrains et des habitations a fortement augmenté de sorte qu’une population de plus en plus aisée s’y installe et que les ménages à faibles et même moyens revenus sont contraints de renoncer à habiter la région, en particulier des jeunes qui en sont originaires.

    A partir de ces observations, nous avons rencontré plusieurs acteurs locaux : service de logement sociaux, agence immobilière sociale, échevins et leurs conseillers en la matière…. Ils nous ont aidé à étoffer notre analyse et à mieux connaître les moyens dont dispose le pouvoir communal et régional pour agir sur l’accès au marché du logement. Le développement et la gestion de logements sociaux ou par exemple les AIS [1] en font principalement partie. Toutefois, faute de moyens notamment, cette offre garde un impact relativement limité dans la région et surtout ne répond que très partiellement à ce qui nous semble être un problème majeur : le manque de logements accessibles à des revenus moyens.

    A priori on pourrait croire que le pouvoir régional ou communal n’a pas grand-chose à dire sur le marché du logement « privé »…

    A priori on pourrait croire que le pouvoir régional ou communal n’a pas grand-chose à dire sur le marché du logement « privé » en particulier sous forme de lotissements tels qu’ils se développent fortement par exemple à Sprimont. Pourtant des moyens existent pour que les collectivités puissent avoir leur mot à dire sur ce qui se construit sur leur sol : octroi de permis de bâtir, Conseils Consultatif d’Aménagement du Territoire (CCAT) ainsi que Plans Communaux d’Aménagements et autres « schémas de Structures » permettant de planifier de manière très précise l’usage du territoire.

    Toutefois pour être utiles ces outils doivent être les instruments d’une volonté politique suffisante intégrant des objectifs à long terme en matières d’urbanisme, de mixité sociale, de mobilité… . Une volonté politique capable également d’aller si nécessaire à l’encontre d’intérêts privés de lotisseurs, de clients ou de propriétaires de terrain et de négocier avec eux, par exemple, de l’espace réservé à du logement social ou moyen au sein d’un lotissement. Dans ce cas par exemple, la commune peut mettre dans la balance sa prise en charge de certaines infrastructures collectives. La taille des parcelles, et donc leur prix, est également un élément important, sur lequel le pouvoir communal peut avoir une influence…

    Autant d’éléments qui se retrouveront dans une série de revendications précises que le groupe MOC Ourthe-Amblève sera bientôt en mesure de proposer, notamment en vue des élections communales de 2012.

     Une étape importante pour nous est de faire de l’accès au logement un véritable débat dans la région…

    Toutefois avant d’en arriver à ce stade, une étape importante pour nous est de faire de l’accès au logement un véritable débat dans la région à travers une large information citoyenne. C’est pourquoi nous diffusons dans le but de populariser le débat et de pouvoir récolter des témoignages concrets pour appuyer nos revendications. Cette brochure interpelle en présentant une série de situations fictives très concrètes dans lesquelles des personnes doivent quitter la région ou renoncer de s’y installer faute de moyens suffisants pour s’y loger. En supposant que de nombreuses personnes se reconnaîtront dans ces situations, cette brochure constitue également un appel à témoignages au travers d’ un court questionnaire à remplir

     

    [1Les agences immobilières sociales (AIS) mettent à disposition des logements à prix réduit. Peuvent y accéder les personnes dont les revenus ne dépassent pas un certain montant. L’AIS est donc un intermédiaire public, prestataire de services, entre un propriétaire bailleur et un candidat locataire privés en état de précarité ou à revenus modestes. Il ne s’agit donc pas de logement public ou social

     

     

  9. Retour d’un voyage au Burkina Faso en 2009

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    Cela fait maintenant plus d’un mois que notre groupe de 11 professionnels et militants des organisations du MOC Liège-Huy-Waremme, pour la plupart membres de la commission Solidarité Mondiale de Liège, sont rentrés de leur voyage d’immersion organisé par l’ONG à la rencontre des partenaires de celle-ci et de leur action.

    Une fois la fédération MOC de Liège « sélectionnée » pour ce voyage, c’est dans un but de cohérence que le choix de destination s’est naturellement fixé sur le Burkina Faso. En effet, depuis plusieurs années, la Mutualité chrétienne et la CSC de Liège développent de solides partenariats dans ce « petit » pays d’Afrique de l’Ouest. C’est donc en étroite collaboration avec ces partenaires mutualistes et syndicalistes burkinabés que le contenu du séjour a été élaboré. Ce qui a débouché sur un programme extrêmement riche et varié emmenant du 21 novembre au 5 décembre 2009 le groupe aux quatre coins du pays.

     

     L’action syndicale

    La CNTB (Confédération Nationale des Travailleurs du Burkina) est l’un des 6 principaux syndicats du pays, elle existe depuis les années 60 et elle compte plus ou mois 15.000 affiliés. Grâce à des contacts quotidiens avec ses responsables, militants locaux et délégués ainsi que plusieurs visites de sections locales et d’entreprises, nous avons pu approcher les grands enjeux et difficultés auxquels le syndicat est confronté :

    Importance du travail informel

    C’est l’univers de la débrouille et de la survie dans lequel chacun essaie de gagner un peu d’argent comme il peut, la plupart du temps là où on a le plus de chance d’y arriver : dans la rue. C’est une des choses les plus frappantes lorsque l’on débarque dans la capitale, Ouagadougou, on a l’impression qu’il y plus de petites échoppes que d’habitants (« maquis » où boire et manger, vente de produits très divers, salons de coiffure, bouteilles de « carburant » de fortune pour les mobylettes…) que chaque personne dans la rue a quelque chose à vendre (cartes téléphoniques, fruits, ceintures, prostitution…), chaque immeuble a son gardien tout comme chaque voiture qui se gare sans oublier les porteurs de marchandises, collecteurs de déchets et autres « gens de maison »…

    Loin d’être marginal, ce travail informel constitue l’un des aspects majeurs de la vie économique et sociale du Burkina. En effet, l’informel occuperait 80% de la population active et représente 27% du PIB (le reste se partageant entre exportations et aides extérieures) derrière l’agriculture et l’élevage, c’est le troisième secteur le plus puissant de l’économie nationale [1]]. En plus de ne permettre aucune protection sociale, le travail informel s’effectue en marge de toute législation du travail tant au niveau des conditions de sécurité, du temps de travail que de la rémunération qui n’atteint bien souvent pas le SMIC (plus ou moins 22.000 francs CFA, soit 33€ par mois !).

    Malgré tout, face à cette situation les syndicats, qui comprennent des représentants de l’informel, poussent les travailleurs de ce secteur à s’organiser en corps de métiers ou en groupements professionnels notamment afin de faire valoir leur intérêt au près des pouvoirs publics : de la revendication à une protection sociale au niveau national en passant par des choses très concrètes comme faire pression pour obtenir des reçus de paiements de diverses taxes et redevances réclamées par les autorités locales (emplacement, éclairages…) afin d’éviter des abus de celles-ci.

    Le travail informel en tant que manière de survivre pour les exclus du marché et de la mondialisation témoigne sans doute également, au-delà du seul point de vue économique, d’un mode de fonctionnement plus profond de la société africaine , basé sur les réseaux traditionnels et familiaux qui échappent à nos conceptions occidentales de citoyenneté, d’Etat et de la place du travail dans la société. Toutefois en fonctionnant visiblement par fragmentation du travail existant et donc, par division des revenus, il est probable qu’en même temps l’informel dissolve ces réseaux de solidarité traditionnelle et, en l’absence totale de droits du travail, constitue en fait une multitude de réseaux d’exploitation invisible [2]]. Le problème est de savoir pourquoi le développement de ce secteur informel a pris une telle ampleur. L’autre grande difficulté à laquelle sont confrontés nos partenaires syndicalistes, que nous allons maintenant développer, apporte sans doute un élément de réponse

    Une industrie embryonnaire subissant la crise et la mondialisation

    Après les nombreuses manifestations contre « la vie chère » qui ont eu lieu dans le pays en 2008, dévaluation monétaire et forte hausse du prix des denrées de première nécessité font toujours sentir leurs effets. De plus, dans les entreprises que nous avons visitées, on nous a dit avoir durement ressenti la dernière crise financière mondiale. Comme dans la tannerie Tan-Aliz de Ouagadougou où 90 travailleurs viennent de se retrouver en chômage technique suite à la baisse de demande des clients européens fabricants de sacs et d’autres articles de maroquinerie.

    Comme nous l’a expliqué un responsable local de la CNTB dans la région de Bobodioulasso (2ème ville du pays et anciennement capitale industrielle) où l’industrie est particulièrement en déclin (voir en encadré ci-dessous l’interview d’une militante syndicale sur la délocalisation de l’entreprise Savana) , le Burkina s’est ouvert beaucoup trop vite à la concurrence mondiale poussé par le pouvoir en place suivant la doctrine libérale encouragée par les grands bailleurs de fonds internationaux tels que le FMI et la Banque Mondiale et leurs fameux « Plans d’Ajustements Structurels » [3]] .

    L’économie burkinabé n’était pas prête et l’accompagnement de l’Etat s’est avéré largement insuffisant. Le pays n’a pu faire face à la concurrence de voisins plus importants comme la Côte d’Ivoire ou par exemple, comme on nous l’a expliqué, face à l’arrivée de mobylettes chinoises bon marché qui a précipité la fermeture d’entreprises d’assemblage locales. Au cours d’une visite d’une entreprise de production de sucre à partir de cannes, premier employeur après l’Etat dans la région de Banfora, les délégués nous ont appris que l’usine venait d’être reprise par un investisseur du Qatar entraînant énormément de difficultés syndicales y compris même le droit de se réunir…de nombreux exemples nous ont été ainsi donnés de secteurs entiers de l’économie nationale libéralisés et appartenant désormais à des capitaux étrangers : production de coton, téléphonie, chemin de fer…

    Par rapport à cette situation les syndicats sont face à d’énormes difficultés pour mobiliser et organiser les travailleurs dans la défense de leurs intérêts. Manque de formation et de connaissance de leurs droits (rappelons que le taux d’alphabétisation ne dépasserait pas un quart de la population du pays), mais surtout grosse difficulté à récolter des cotisations, vu le poids du secteur informel notamment, et donc à dégager les moyens nécessaires par exemple au soutien d’une grève. Parfois cette difficulté à s’affilier est doublée d’une crainte d’être mal vu par son patron mais aussi par le pouvoir politique local comme nous l’ont raconté avec humour des responsables syndicaux locaux que certains de leurs militants faisaient semblant de ne pas reconnaître sur la place les jours de marché…

    Libertés syndicales et relations avec le pouvoir public

    Durant nos nombreuses rencontres avec des syndicalistes nous avons entendu plusieurs témoignages concernant des atteintes aux libertés syndicales : impossibilité de se réunir comme cité plus haut, syndicalistes menacés et même « coursés par des 4X4 » !, journaliste de la capitale muté « en brousse » dans une lointaine province, ministre démis de ses fonctions pour avoir pris le parti de travailleurs licenciés, peur d’être « fiché » ou encore impossibilité de faire grève sous peine d’avoir affaire à la police pour les travailleurs d’un secteur sensible comme ceux qui travaillent à l’aéroport de Ouagadougou (le Burkina est un pays « enclavé »)…

    À côté de cela, lors d’une rencontre, avec le Ministre du travail, organisée par nos partenaires, nous avons pu percevoir une certaine volonté du pouvoir public de collaborer avec les syndicats et les mouvements mutuellistes en vue de l’élaboration d’un système d’assurance maladie et du respect des conditions de travail (envoi d’inspecteurs du travail, encore trop peu nombreux , sur le terrain) ou de la construction d’un dialogue social (rencontres annuelles entre syndicats, employeurs et gouvernement, représentation des syndicats dans des tribunaux du travail…). Citons aussi l’organisation d’un colloque international sur le travail décent organisé par le BIT à Ouagadougou le 2 décembre et auquel deux d’entre nous ont eu la chance de participer [4]].

    L’Action Mutuelliste

    Le Réseau d’Appui aux Mutuelles de Santé (RAMS) a pour but de soutenir la création et le développement de celles-ci pour organiser et faciliter l’accessibilité financière de la population aux soins de santé. Le RAMS appuie une soixantaine de Mutuelles au Burkina qui permettent de couvrir des dizaines de milliers d’affiliés. La création de ces mutuelles et leur implantation locale se fait à partir de réseaux associatifs (groupement de corps de métiers, syndicats, groupements de femmes…). Des frais d’adhésion par famille sont demandés en plus d’une cotisation annuelle par personne ce qui permet de couvrir la plupart du temps jusqu’à 80% des frais principalement de prescription de médicaments génériques et de consultation dans divers centres de santé.

    Difficultés d’accès financiers aux soins de santé

    Rappelons quelques éléments qui nous ont été donnés sur la santé au Burkina : grosse partie de la population qui n’a pas accès à l’eau potable surtout en milieu rural, manque énorme de personnel médical (1 médecin pour 10.000 habitants selon l’OMS), 4% de la population atteinte par le SIDA et une espérances de vie dépassant à peine les 50 ans.

    Situation dont nous avons pu très partiellement prendre la mesure en visitant un hôpital de Ouagadougou dont la maternité compte…une vingtaine de lits. Les principales causes de consultations aux urgences sont celles qui réclament le plus de soins dans l’ensemble de la population : paludisme (malaria), infections respiratoires et dysenteries.

    De plus, par définition les travailleurs de l’informel (la majeure partie) ne bénéficient d’aucune protection sociale. Quant à celle dont bénéficie actuellement la minorité du secteur formel, fonctionnaires en particulier, elle ne couvre pas les risques de santé autres que professionnels.

    Les vendeurs de rue de médicaments constituent également un aspect du problème. Ces médicaments vendus dans la rue beaucoup moins chers que dans le commerce et donc beaucoup plus accessibles, présentent de grands risques d’être périmés, inadéquats voir pire. A ce propos, lors d’un festival de films d’animation à Ouagadougou nous avons eu l’occasion de voir un documentaire de prévention sur ce genre de pratique dans lequel un vendeur de médicaments expliquait que ne sachant pas lire il lui suffisait de se fier au dessin sur la boîte de médicaments pour savoir lequel proposer à ses clients : une boîte de « femme qui se tient le ventre » pour les maux de ventre ou encore une pilule de « vieille femme qui court » pour la fatigue…

    Des mutuelles organisées par des femmes en milieu rural

    De nombreuses Mutuelles sont l’initiative de groupements de femmes défavorisées en milieu rural. C’est le cas de celles que nous avons visitées à Tanghin Dassouri, Kongoussi et Tenkodogo. Leur grande solidarité et leur dynamisme associatif et économique nous ont impressionnés au regard des difficultés très concrètes auxquelles les femmes qui font vivre ces mutuelles sont confrontées : besoin d’un coffre, sans lequel la trésorerie peut être risquée, avoir un semblant d’enseigne ou encore du matériel de gestion administrative. De plus l’éloignement parfois très important des centres de santé oblige bien souvent ces femmes à faire des dizaines de kilomètres à pieds en l’absence de moyens pour acheter une mobylette ou même un vélo. Ce problème de déplacement touche également la collecte des cotisations dans les différents villages et oblige bien souvent ces femmes à dormir là où elles se réunissent…quand elles ont la chance de disposer d’un local.

     Micro-crédit et activités génératrices de revenus

    Notons enfin que dans ces régions rurales où la capacité contributive est très faible et dépendante des récoltes agricoles, la mise en place de mutuelles se fait souvent en combinaison avec des activités génératrices de revenus. Ce qui nous amène à un dernier aspect de l’action des partenaires rencontrés au Burkina Faso, l’octroi de microcrédits qui permet aux bénéficiaires d’essayer de développer des activités génératrices de revenus. Ces activités se situent principalement dans le petit commerce de fruits et légumes ou d’eau potable par exemple, dans la transformation et le stockage de denrées alimentaires, dans la culture maraîchère comme dans les villages de Bam et Darigma ou encore dans la collecte et le recyclage de déchets comme expliqué lors d’une visite de la mutuelle de Tenkodogo.

    L’association de femmes « Watinooma » de Kaya est également un bon exemple. A la fois mutuelle et guichet de microcrédit, c’est aussi un lieu où se donnent des cours d’alphabétisation et où, notamment, sont pris en charge les orphelins de membres décédés. Un lieu qui présente aussi un espace et du matériel permettant à plus de 300 femmes de développer des activités génératrices de revenus : élevage d’embouche, préparation du soumbala, exploitation de champs collectifs…

     En conclusion

    Ce genre de voyage permet évidemment de découvrir une réalité autre que la nôtre, en termes de pauvreté et d’inégalités énormes malheureusement mais aussi de richesses culturelles et sociales. Toutefois, au-delà de ces différences et du caractère forcément « déséquilibré » de nos rencontres, ce voyage nous a également permis d’apprécier les nombreux points communs entre nos revendications de mouvements sociaux ici et là-bas. C’est de cet aspect des échanges entre les organisations du MOC et leurs partenaires du Sud, ainsi que de l’intérêt de les soutenir que nous souhaitons particulièrement témoigner au terme de ce voyage.

    Si vous faites partie d’un groupe que cela intéresse, les participants à ce voyage sont disponibles pour témoigner, répondre à vos questions et animer un échange autour de leur expérience à l’aide de photos et extraits filmés de ce voyage. Contact : Nicolas Laermans, 0498/17.18.50 ou par MAIL

    [1« Vision syndicale » n°3, mars 2007, « Burkina Faso : l’informel au coeur d’une nouvelle solidarité ». Périodique de la CSI (Confédération Syndicale Internationale) disponible ICI

    [2[ Lire à ce propos : « Le pire des mondes possibles », Mike Davis, Ed. La Découverte, 2007, p.182-213

    [3[Ces institutions financières internationales recommandent aux États surendettés auprès d’elles des réformes qui comportent presque systématiquement comme solution, pour rembourser leurs dettes et se développer économiquement, une stricte discipline budgétaire avec diminution des dépenses publiques, la promotion des exportations (au détriment parfois du marché intérieur), libéralisation des entreprises nationales et du commerce extérieur.

    [4[Réunissant grâce au BIT (Bureau International du Travail) représentants des travailleurs et des employeurs de 44 pays, en particuliers africains, ce colloque avait pour principal but de mettre en place des stratégies communes de mise en œuvre du « Pacte mondial pour l’emploi » adopté en juin à Genève.

    En effet, la crise mondiale de l’emploi a fait l’objet d’un sommet en juin 2009 à Genève, à l’initiative de l’OIT (Organisation internationale du travail). Le but était d’adopter un Pacte mondial pour l’emploi afin de favoriser une reprise rapide de l’emploi durement frappé par la crise financière internationale.

    Le colloque faisait également suite à un sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine en septembre 2004, encore à Ouagadougou, qui mettait, pour la première fois, la protection sociale et le travail décent à l’agenda du développement du continent.

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