Le MOC Liège soutient le Collectif liégeois de soutien aux sans papiers. Rendez-vous ce 18 décembre 2019, à 17h, place Saint-Paul pour un cortège coloré et sonore !
Manifestations pour le climat, gilets jaunes, occupations… ces dernières années ont vu l’émergence de nouvelles formes de mobilisation collective et d’engagement très dynamiques mais ayant parfois du mal à s’inscrire dans la durée et la cohérence. En même temps, les structures plus anciennes nées à une époque de militantisme traditionnel (syndicats, mutuelles, mouvements d’éducation permanente…) semblent de plus en plus fragilisées et remises en cause notamment par une partie de la classe politique. Quelles différences et quelles convergences peut-on établir entre ces mouvements plus anciens et plus institutionnalisés censés faire le lien entre l’Etat et les citoyens et de nouvelles formes d’engagement émergeantes ?
Au regard de l’actualité internationale (mouvements à Hong Kong, en Algérie, protestations « contre la vie chère »…) de tels changements s’observent-ils également dans les pays du Sud ? Cela doit-il modifier notre manière de faire de la coopération au développement entre des sociétés civiles du nord et du sud toutes deux en pleine mutation ?
Gautier Pirotte, professeur à l’ULg qui travaille depuis plusieurs années sur l’analyse et l’observation de la société civile et de la coopération internationale, nous aidera à y voir plus clair dans ces changements en cours.
JEUDI 21 NOVEMBRE 19H45
Cité Miroir (salon des Lumières) Place Xavier Neujean 22
Le ras-le-bol dénoncé par le secteur des soins de santé depuis des semaines est loin de s’apaiser.
C’est pour cette raison que les travailleurs du CHR de la Citadelle organiseront une action ce mardi 2 juillet devant l’entrée des différents sites :
• Sainte Rosalie à 7h30
• Château Rouge à 10 h
• Citadelle à 13h15
Force est de constater qu’en cette période estivale, la pression sur les travailleurs du secteur atteint des sommets. « Les effectifs déjà insuffisants en temps normal sont encore plus réduits durant les congés », fait remarquer Lina Cloostermans secrétaire permanente CSC Services-Publics. Il arrive parfois même que certaines planifications d’horaires se retrouvent sans nom car on ne sait pas qui sera là pour assurer le service. »
Le manque d’effectifs empêche même certains travailleurs de prendre leurs congés durant juillet et août. « Dans ces conditions, l’organisation de la vie de famille devient un véritable casse-tête : il faut trouver des solutions pour assurer la garde des enfants et souvent en dernière minute. A cela s’ajoutent les rappels intempestifs en cette période critique de l’année pour pallier les absences des collègues en maladie », constate Lina Cloostermans.
Quant aux jeunes recrues qui font leur entrée dans la vie active, elles sont directement livrées à elles-mêmes vu les effectifs très réduits, ce qui engendre énormément de stress. Un stress ressenti aussi bien par les jeunes diplômés que par l’équipe qui n’a pas le temps de bien les prendre en charge. Résultat, après quelques années, les nouveaux désertent la profession.
Durant l’été, la CSC Services Publics lance une consultation écrite dans le secteur : les agents sont invités à faire part de leurs demandes. Les avis ainsi récoltés permettront d’établir un cahier de revendications en phase avec les besoins réels. « Ce cahier de revendications sera remis aux futurs ministres de la santé », signale Lina Cloostermans.
Notez que ce mardi, des actions seront aussi menées dans les maisons de repos du CHR de Huy :
• À la Résidence Isabelle à Amay vers 10h • Au Pré Brion à Ben-Ahin vers 11h
La Plateforme Créances Alimentaires réunit des associations francophones et néerlandophones représentantes des femmes et des familles. Elle rappelle l’importance du Service des créances alimentaires (SECAL) pour les familles monoparentales, encore souvent confrontées à un défaut de paiement de contribution alimentaire. La Plateforme insiste également sur les mesures à prendre afin de faire du SECAL un service efficace, pérenne et véritablement accessible. Le relèvement du plafond de revenu pour accéder aux avances du SECAL, voté en avril dernier, n’est qu’une étape parmi de nombreux défis à relever !
Du 18 novembre au 2 décembre, dix permanents et bénévoles du Mouvement Ouvrier Chrétien sont partis à la rencontre des partenaires de Solidarité Mondiale en Bolivie [1]. Un voyage qui a permis de mieux connaître l’engagement, les actions et les projets menés par les mouvements sociaux soutenus par notre ONG, mais aussi d’avoir un aperçu de la complexité du processus de changement politique en cours dans ce pays.
Contexte politique
Élu président en 2005 puis réélu confortablement (64%) pour un deuxième mandat en 2009, l’arrivée au pouvoir d’Evo Morales et, aux élections législatives, de son parti le MAS (Mouvement vers le socialisme) a marqué un tournant dans l’histoire de la Bolivie. Premier président d’origine indienne (60% de la population) et paysanne, il incarne un changement socialiste qui succède à l’alternance de périodes de conflits, de dictatures et plus récemment d’application de recettes néo libérales basées notamment sur la privatisation et les investissements étrangers.
L’arrivée au pouvoir d’Evo Morales qui a suscité l’enthousiasme d’une bonne partie de la population jusque-là marginalisée, s’est concrétisée par un vaste chantier participatif de modification de la constitution ainsi que des mesures ambitieuses et inédites : des avancées en termes de protection sociale, autonomie de communautés indigènes et territoriales, nationalisation partielle de l’exploitation du gaz et du pétrole… En outre, durant cette période, les finances de l’État ont bénéficié de l’augmentation du prix des matières premières.
Toutefois, au bout de 6 ans de mandat, nous avons pu nous rendre compte à travers de nombreuses rencontres que les déceptions et critiques envers le pouvoir en place ne manquent pas à l’heure actuelle en Bolivie. Qu’il s’agisse de reprocher au final la lenteur et la « tiédeur » des réformes socio-économiques dont les effets concrets tardent à se faire sentir, certaines dérives autoritaires du pouvoir en place ou encore le changement d’attitude du gouvernement face aux mouvements sociaux.
Mouvements sociaux
Ce dernier point est particulièrement sensible actuellement depuis l’épisode du « TIPNIS » [2] qui a vu, le 27 septembre 2011 à Yucumo, les forces de police gouvernementales réprimer violemment une marche indigène contre le projet de construction d’une route qui devait traverser leur territoire. Un paradoxe pour un gouvernement présenté comme celui des « mouvements sociaux » ; et pour un président qui n’hésite pas à jouer la carte de son origine ethnique, et qui est arrivé au pouvoir en partie grâce au soutien des ONG.
« Notre court séjour nous a permis de voir à quel point la contestation sociale est vivace en Bolivie : pas une journée sans une manifestation à La Paz [3]«
… sans qu’une rue soit bloquée par des pneus en feu, des pierres ou une marche de protestation.
Moyens supplémentaires pour l’université de El Alto [4] et gratuité du BAC, augmentation des pensions du secteur de la santé, prolongation de mesures de régularisation de véhicules arrivants aux frontières destinés à la vente, augmentation du prix de l’essence…les motifs sont aussi nombreux et variés que les moyens utilisés pour se faire entendre.
« C’est que la politique est omniprésente en Bolivie et de manière beaucoup plus directe que chez nous. »
Au-delà de participer aux élections, des tas de mobilisations se mettent en place au nom des étudiants, femmes, paysans, « grémiales » (vendeur de rue de l’informel), habitants des quartiers pauvres… le tout organisé en un dédale de fédérations, confédérations, coopératives et sections locales qui chacune présentera ses recommandations aux gouvernement, fera jouer ses représentants au sein du parlement, revendiquera une place dans la constitution puis sa concrétisation en lois et finalement l’application réelle, parfois fort lointaine, de celles-ci.
En effet, si la politique en Bolivie apparaît très vivante, on a en même temps l’impression qu’elle dépasse rarement la sphère idéologique ou symbolique et que lorsque c’est le cas (nationalisation du pétrole par exemple), elle peut s’avérer plus riche en compromis qu’annoncer au départ.
« Evidemment tout ceci ne se passe pas sans divisions d’intérêts et différences idéologiques comme nous avons pu nous rendre compte »
… notamment lors d’une rencontre avec les représentants d’une confédération de la jeunesse proches du MAS. En effet, ceux-ci nous ont exprimé leur désaccord avec certaines des organisations partenaires de Solidarité Mondiale en Bolivie. Jusqu’à avoir voulu leur faire fermer boutique, ils leur reprochent de ne pas être des ONG « natural », c’est-à-dire d’être dépendantes d’ONG internationales, pas assez gérées par la base (dans ce cas-ci le public jeune issu des quartiers pauvres) voir pas assez indigène et surtout n’ayant pas une vision du changement suffisamment politique pour être efficace.
Ce genre de critiques liées au contexte politique bolivien a en tout cas le mérite de nous poser la question, souvent trop vite contournée, de l’influence des forces politiques et idéologiques nationales sur l’action des partenaires soutenus par les ONG et le type de développement promu par celles-ci. De même, la question de la manière dont on se positionne vis-à-vis de revendications identitaires ou « nationalistes » que nous sommes habitués à rejeter quand elles concernent le replis d’une communauté privilégiée sur ses acquis. Ce qui n’est pas le cas en Bolivie puisqu’il s’agit d’avantage de de la reconnaissance et de l’accès au pouvoir politique de communautés économiquement faibles qui pendant longtemps n’ont pas eu droit au chapitre dans leur pays et l’ont encore moins dans la mondialisation. Si cette recherche d’identité est au cœur du processus de changement bolivien, comme l’atteste la nouvelle constitution qui reconnaît le caractère multiethnique de la nation bolivienne, elle demeure visiblement un point de tension important dans le pays.
TRAVAIL INFORMEL
Le fait que les ¾ des travailleurs se situent dans le secteur informel (économie parallèle) est une autre réalité importante en Bolivie, partagée par de nombreux pays pauvres. L’activité informelle s’y développe sur le peu d’appareil productif générateur d’emplois et sur fond d’exode rural croissant vers les grandes villes.
Une forme de pension a été mise en place pour ces travailleurs qui n’ont jamais cotisé, certains soins de santé de base sont en principe accessibles et certains droits sont reconnus aux travailleurs. Malgré tout, on renonce facilement à ces droits par crainte de perdre son revenu ou de formalités qui risquent d’être longues et le secteur pour l’instant reste exclu du système embryonnaire de sécurité sociale. De plus…
« les conditions de travail sont souvent dures dans la rue : de nombreux problèmes de santé en témoignent, la journée de travail s’étale de « soleil à soleil », comme ils disent, et de nombreux enfants partagent celles-ci avec leurs parents au lieu d’aller à l’école. »
Malgré cela, nous avons pu nous rendre compte à quel point ces travailleurs restent collectivement bien organisés pour défendre leurs intérêts alors qu’ils restent marginalisés, malgré leur importance considérable, dans le paysage syndical institutionnel du pays. Celui-ci restant dominé par quelques grands secteurs formels, notamment minier.
Bien que le rapport à l’État soit par définition assez réduit, celui-ci tente par exemple à La Paz d’améliorer la situation des marchés quasi autogérés, que nous avons pu visiter, en terme d’hygiène, d’infrastructures ou encore d’installation électrique. Toutefois, cette a priori louable intervention des pouvoirs publics locaux dans l’informel ne va pas sans se heurter à des oppositions, dont la moindre n’est pas le fait de devoir payer une taxe, liées notamment à la crainte pour certains commerçants de voir mis à mal tout un système acquis de privilèges et hiérarchies bien établis.
« En fait, vu son ampleur,le travail informel constitue une réalité bien plus complexe qu’un simple retard ou stade inférieur à notre modèle de salariat occidental : »
avoir plusieurs boulots dans l’informel peut être considéré comme plus sûr que n’avoir qu’un seul emploi salarié que l’on peut risquer de perdre, de même informel ne rime pas nécessairement avec pauvreté : de grosses différences de revenus existent en fonction du fait d’être propriétaire de son commerce, en fonction de son secteur d’activités, de sa position sociale
L’économie informelle, ainsi que les autres éléments de tension abordés brièvement dans ce témoignage, constituent plus que jamais des défis majeurs du processus de changement qui est cours en Bolivie. Un processus dont le plus grand mérite est sans doute d’avoir donné légitimité et fierté à une population mise en marge de la société pendant de nombreuses années.
[1] LES PARTENAIRES DE SOLIDARITE MONDIALE EN BOLIVIE :
CRISOL
(Corriente de Renovaciõn Independante y Solidaridad Laboral) Crée à la fin des années 70 sous la dictature du général Hugo Banzer pour organiser la résistance aux persécutions de syndicalistes, il s’agit actuellement d’une coupole d’organisations affiliées, pour la plupart syndicales (artisans, chauffeurs, mineurs, services…), dont l’action se base principalement sur la formation. CRISOL constitue également un courant idéologique au sein de la COB (centrale ouvrière bolivienne unique) et à ce titre adopte au cours de congrès des stratégies et positions politiques comme par exemple récemment concernant la nouvelle loi nationale de sécurité sociale. L’action de formation de CRISOL est particulièrement reconnue en matière de « capacitation » syndicale et politique avec des centaines de personnes formées chaque année dont certaines deviennent responsables syndicaux ou politiques, constituant autant de relais possibles pour CRISOL au sein de la COB, des mairies, du sénat ou encore du parlement national. Notons également qu’en allant à l’encontre du caractère actuellement assez figé du paysage syndical bolivien, dans lequel certaines centrales historiquement importantes continuent de garder une position dominante, CRISOL défend une meilleure prise en compte de la réalité économique et sociale actuelle du pays à travers notamment la reconnaissance de l’importance du secteur informel.
CASA WAKI
Développe à la fois une action proche de ce qui se fait chez nous sous forme d’écoles de devoirs pour les enfants et d’insertion/formation pour les jeunes. La CASA WAKI est ancrée dans la ville d’El Alto (voir encadré) et son action prend son sens dans la réalité que vivent les habitants de celle-ci : pauvreté, manque d’emploi pour les jeunes, travail informel des parents, enfants des rues… C’est ainsi que CASA WAKI propose des formations en tissage, travail du bois ou encore culture de plantes à des jeunes qui peuvent suivre ces programmes après l’école. Via du microcrédit, formations en commerce et soutien à la création d’entreprises certains jeunes peuvent également reprendre l’activité de leur parents ou lancer la leur afin de soulager financièrement ces derniers. Enfin cette organisation très dynamique propose également divers « cafés jeunes », festivals de danse ou de théâtre et sensibilise sur les droits des jeunes travailleurs.
Gregoria APAZA
Situé également à El Alto, à partir d’un objectif général de promotion des droits des femmes, ce véritable centre de formation propose, aux femmes mais aussi aux jeunes, différents programmes de formations techniques : couture, informatique, commerce…, ou encore des formations de « capacitation » politique et citoyenne de même que par exemple une radio et un magasin d’artisanat « équitable ». Gregoria APAZA est une célèbre leader indienne Aymara en révolte contre les espagnoles, qui finirent par l’exécuter fin du 18ème siècle.
SENTEC
Dans la région minière d’Oruro, l’organisation développe différents programmes d’actions autour de la médecine traditionnelle (production et vente de médicaments à base de plantes, services de massage pour bébés et réflexologie…) et de la formation technique sous forme notamment de cours du soir (soudure, tournage/fraisage, fours solaires ou encore production de serres en bouteilles plastiques réutilisées). SENTEC, en collaboration avec un service public de santé, développe aussi dans une commune rurale une action, peu courante dans le pays, d’accompagnement des personnes du troisième âge dans leur vie quotidienne (massages, gymnastique, alimentation…).
[2] Territoire Indigène Parc National Isiboro Sécure
[3] capital administrative et siège du gouvernement
Située à 4150 mètres d’altitude juste au-dessus de La Paz, capitale administrative du pays, El Alto est une immense banlieue pauvre alimentée par les migrants issus des campagnes environnantes. Officiellement depuis 1984, cette agglomération est considérée comme une ville à part entière, elle dispose d’ailleurs de son propre aéroport, son université et sa cathédrale.
Simple annexe agricole de La Paz regroupant 10 000 personnes dans les années 50 et actuellement forte de plus d’1 millions d’habitants, elle concentre une série de problèmes liés à et son accroissement rapide, la pauvreté de sa population et des conditions climatiques et géographiques difficiles : accès aux services de base (santé, écoles, eau, égouts…), peu d’emplois, règne de l’informel, expansion incontrôlable ….
Ce qui la reproche sans doute de ce qu’on peut entendre par « bidonville » même si sa configuration de même que son apparence à priori s’en éloignent : en effet, la ville s’étale sur une immense étendue de plaines qu’encadrent des chaînes de montagnes, à travers un vaste quadrillage monotone d’habitations modestes « construites en dur » permettant la circulation de nombreux taxis et bus. Le caractère apparemment organisé de la ville tranche donc avec les amas chaotiques d’habitations de fortune que l’on peut voir aux abords de nombreuses grandes villes pauvres du monde. Malgré tout, la marginalisation géographique et économique de la population d’El Alto est évidemment source de tensions avec sa voisine La Paz, qu’elle dépasse désormais en termes de population, de même qu’un enjeu considérable pour l’ensemble du pays.
Pour ces raisons, plusieurs partenaires soutenus par Solidarité Mondiale en Bolivie sont particulièrement actifs dans les quartiers d’El Alto, en particulier avec les femmes et les très nombreux jeunes et enfants qui y vivent.
Désormais, en plus des facteurs économiques et politiques, l’impact du climat sur les mouvements de population à travers le monde est devenu une réalité : températures et sécheresses records, ouragans, inondations…ces phénomènes font de plus en plus partie de l’actualité tandis que les réfugiés climatiques semblent bien incarnés les premières victimes du réchauffement global. Actuellement les déplacements dus à des catastrophes naturelles sont déjà une réalité pour des millions de gens et à l’avenir, plusieurs zones importantes du monde pourraient même devenir totalement inhabitables.
L’impact de l’activité humaine sur le climat et tous les effets que cela entraîne sont de plus en plus difficile à nier. En même temps, notre société au niveau politique, économique et citoyen semble loin d’anticiper suffisamment l’ampleur de ces changements alors que, de moins en moins exceptionnelles, ces migrations climatiques ont désormais acquis un véritable caractère structurel.
C’est pourquoi Il est grand temps d’en faire un véritable sujet politique et social et plus seulement une question d’« environnement » : qu’est ce qui peut encore être fait pour éviter cette situation ? Quel statut reconnaître à ces personnes déplacées ? pour quelle type d’aide nationale ou internationale ? Et dans le cadre d’une responsabilité environnementale globale, comment intégrer la responsabilité des états qui émettent le plus de gaz à effet de serre ?
Avec François Gemenne : originaire de Liège, spécialiste de l’immigration et du changement climatique, enseignant et chercheur entre autres à l’Université de Liège et à Science-Po Paris, auteur de « Géopolitique du climat » (Armand Colin, 2015), régulièrement sur le devant de la scène médiatique en France, en Belgique et au-delà avec de nombreuses interventions percutantes sur le sujet.
Un monde plus chaud de 2 à 4 degrés exacerbera vraisemblablement les tensions à la surface de la planète. Dès lors, la question de la solidarité s’invite – plus que jamais – à la table des décideurs, notamment politiques, comme des simples citoyens.
À Liège, l’autre soir, une assemblée de militants syndicaux et d’acteurs du développement Nord/ Sud a tressailli, quelque peu hébétée, à l’analyse de François Gemenne, enseignant en sciences politiques dans plusieurs universités belges et françaises (1). Pour ce spécialiste de géopolitique, nous commettons l' »erreur tragique » de considérer la question climatique comme une pure affaire météorologique. « Toutes les grandes questions du 20e siècle – migrations, sécurité, santé publique, rapports Nord/Sud et même terrorisme – seront chamboulées par le climat au cours du 21e siècle ».
Un monde plus chaud… et plus violent
Pourquoi ? Parce qu’un scénario considéré comme improbable il y a quelques années encore – une augmentation de la température moyenne du globe d’environ 4°C à la fin du siècle – est aujourd’hui devenu probable. Même la Banque mondiale le reconnaît. Oubliez la perspective prometteuse d’étés plus confortables : 4 degrés est une moyenne, ce qui signifie que certaines régions du globe – en Iran, au Koweït, au Pakistan, mais aussi aux États-Unis – vont devenir inhabitables. Un pays comme le Vietnam est quasiment assuré de perdre 10% de son territoire à la suite de la montée des eaux. « Les deux grandes zones de tensions futures sont l’Asie du Sud-est et l’Afrique subsaharienne, là où la démographie est déjà galopante », estime François Gemenne, car « un monde plus chaud sera un monde plus violent, puisque plus compétitif pour les ressources naturelles ».
L’expert préconise d’éduquer prioritairement les « vieux » – et non les « jeunes » – à la gravité du phénomène en cours. Il est bien conscient, à cet égard, de ramer à contre-courant de l’opinion majoritaire dans l’univers de l’éducation et de la sensibilisation au réchauffement climatique. « Nous n’avons pas le temps d’attendre que la nouvelle génération arrive au pouvoir. Ceux qui sont aux manettes doivent agir dès maintenant ». La raison en est simple : pour des raisons physiques, le réchauffement actuel est l’oeuvre de nos grands-parents – deux générations s’écoulent entre les émissions de gaz à effet de serre et les manifestations de leurs effets. De ce fait, lutter contre le bouleversement du climat est une affaire de solidarité intergénérationnelle : c’est pour nos petits-enfants que nous nous battons aujourd’hui !
Un paradoxe insupportable
Solidarité dans le temps, mais aussi dans l’espace, avec cette question éminemment morale : « sommes-nous capables d’altruisme envers des individus qui ne sont pas encore nés ou vivant dans des pays lointains ? Pouvons-nous reconnaître les habitants du Bangladesh ou d’îles du Pacifique (NDLR : menacés par la montée du niveau des mers) comme parties de nous-mêmes, membres d’une même humanité ? » La façon dont l’afflux récent de migrants en Europe a été géré laisse l’expert dubitatif, alors que d’autres régions du mon – de sont soumises à des flux migratoires bien plus importants qu’en Europe. « Nous vivons un paradoxe insupportable et intenable à long terme : la planète est de plus en plus mondialisée mais vit de plus en plus fracturée, rivée sur des frontières nationales. »
Dans son ouvrage de 2015 (2), passionnant, François Gemenne proposait déjà, dans certains cas, de faciliter et d’encourager les migrations (comme stratégies d’adaptation au changement climatique), soit un « renversement total de perspective ». Mais il prévient (3) : on n’arrivera à relever un tel défi que si on parvient à donner aux opinions publiques une image infiniment plus nuancée de la migration, débarrassée des préjugés et des clichés. Cela suppose de « faire le deuil de la simplicité ». Enfin, à toutes les bonnes volontés individuelles qui veulent « faire quelque chose pour le climat » (dans leur façon de se déplacer, de manger, de se chauffer, de se vêtir, etc.), il invite à la vigilance. « Une victoire majeure de l’idéologie néolibérale a consisté à faire croire que nos choix individuels de consommation pouvaient façonner, à eux seuls, la solution collective au changement climatique. Ce faisant, elle a réussi à nous faire oublier le poids – bien plus considérable – des choix collectifs et des mobilisations sociales. Rouler à vélo ne sert pas à grand-chose si l’on oublie de militer pour des pistes cyclables »…
(1) François Gemenne était invité par la CSC et Solidarité mondiale à s’exprimer sur les impacts des changements climatiques sur les migrations et les inégalités mondiales.
(2) Géopolitique du climat. Négociations, stratégies et impacts. Ed.Armand Colin, 2015, 213 p.
Cela fait maintenant plusieurs mois que le groupe MOC Ourthe Amblève se penche sur l’accès au logement dans cette région…
En effet, cela fait une dizaine d’années que des communes comme Aywaille, Sprimont ou Esneux attirent de plus en plus de personnes…
En effet, cela fait une dizaine d’années que des communes comme Aywaille, Sprimont ou Esneux attirent de plus en plus de personnes venant s’y installer en raison à la fois du côté rural de ces communes et de leur proximité avec Liège grâce à l’autoroute E25. D’où la construction continue de nouvelles maisons, notamment groupées en « lotissements », qui à terme transforme le caractère rural de ces communes en banlieue aisée de Liège. D’autant plus que le potentiel en zones constructibles reste encore très important.
En conséquence, le prix des terrains et des habitations a fortement augmenté de sorte qu’une population de plus en plus aisée s’y installe et que les ménages à faibles et même moyens revenus sont contraints de renoncer à habiter la région, en particulier des jeunes qui en sont originaires.
A partir de ces observations, nous avons rencontré plusieurs acteurs locaux : service de logement sociaux, agence immobilière sociale, échevins et leurs conseillers en la matière…. Ils nous ont aidé à étoffer notre analyse et à mieux connaître les moyens dont dispose le pouvoir communal et régional pour agir sur l’accès au marché du logement. Le développement et la gestion de logements sociaux ou par exemple les AIS [1] en font principalement partie. Toutefois, faute de moyens notamment, cette offre garde un impact relativement limité dans la région et surtout ne répond que très partiellement à ce qui nous semble être un problème majeur : le manque de logements accessibles à des revenus moyens.
A priori on pourrait croire que le pouvoir régional ou communal n’a pas grand-chose à dire sur le marché du logement « privé »…
A priori on pourrait croire que le pouvoir régional ou communal n’a pas grand-chose à dire sur le marché du logement « privé » en particulier sous forme de lotissements tels qu’ils se développent fortement par exemple à Sprimont. Pourtant des moyens existent pour que les collectivités puissent avoir leur mot à dire sur ce qui se construit sur leur sol : octroi de permis de bâtir, Conseils Consultatif d’Aménagement du Territoire (CCAT) ainsi que Plans Communaux d’Aménagements et autres « schémas de Structures » permettant de planifier de manière très précise l’usage du territoire.
Toutefois pour être utiles ces outils doivent être les instruments d’une volonté politique suffisante intégrant des objectifs à long terme en matières d’urbanisme, de mixité sociale, de mobilité… . Une volonté politique capable également d’aller si nécessaire à l’encontre d’intérêts privés de lotisseurs, de clients ou de propriétaires de terrain et de négocier avec eux, par exemple, de l’espace réservé à du logement social ou moyen au sein d’un lotissement. Dans ce cas par exemple, la commune peut mettre dans la balance sa prise en charge de certaines infrastructures collectives. La taille des parcelles, et donc leur prix, est également un élément important, sur lequel le pouvoir communal peut avoir une influence…
Autant d’éléments qui se retrouveront dans une série de revendications précises que le groupe MOC Ourthe-Amblève sera bientôt en mesure de proposer, notamment en vue des élections communales de 2012.
Une étape importante pour nous est de faire de l’accès au logement un véritable débat dans la région…
Toutefois avant d’en arriver à ce stade, une étape importante pour nous est de faire de l’accès au logement un véritable débat dans la région à travers une large information citoyenne. C’est pourquoi nous diffusons dans le but de populariser le débat et de pouvoir récolter des témoignages concrets pour appuyer nos revendications. Cette brochure interpelle en présentant une série de situations fictives très concrètes dans lesquelles des personnes doivent quitter la région ou renoncer de s’y installer faute de moyens suffisants pour s’y loger. En supposant que de nombreuses personnes se reconnaîtront dans ces situations, cette brochure constitue également un appel à témoignages au travers d’ un court questionnaire à remplir
[1] Les agences immobilières sociales (AIS) mettent à disposition des logements à prix réduit. Peuvent y accéder les personnes dont les revenus ne dépassent pas un certain montant. L’AIS est donc un intermédiaire public, prestataire de services, entre un propriétaire bailleur et un candidat locataire privés en état de précarité ou à revenus modestes. Il ne s’agit donc pas de logement public ou social
Cela fait maintenant plus d’un mois que notre groupe de 11 professionnels et militants des organisations du MOC Liège-Huy-Waremme, pour la plupart membres de la commission Solidarité Mondiale de Liège, sont rentrés de leur voyage d’immersion organisé par l’ONG à la rencontre des partenaires de celle-ci et de leur action.
Une fois la fédération MOC de Liège « sélectionnée » pour ce voyage, c’est dans un but de cohérence que le choix de destination s’est naturellement fixé sur le Burkina Faso. En effet, depuis plusieurs années, la Mutualité chrétienne et la CSC de Liège développent de solides partenariats dans ce « petit » pays d’Afrique de l’Ouest. C’est donc en étroite collaboration avec ces partenaires mutualistes et syndicalistes burkinabés que le contenu du séjour a été élaboré. Ce qui a débouché sur un programme extrêmement riche et varié emmenant du 21 novembre au 5 décembre 2009 le groupe aux quatre coins du pays.
L’action syndicale
La CNTB (Confédération Nationale des Travailleurs du Burkina) est l’un des 6 principaux syndicats du pays, elle existe depuis les années 60 et elle compte plus ou mois 15.000 affiliés. Grâce à des contacts quotidiens avec ses responsables, militants locaux et délégués ainsi que plusieurs visites de sections locales et d’entreprises, nous avons pu approcher les grands enjeux et difficultés auxquels le syndicat est confronté :
Importance du travail informel
C’est l’univers de la débrouille et de la survie dans lequel chacun essaie de gagner un peu d’argent comme il peut, la plupart du temps là où on a le plus de chance d’y arriver : dans la rue. C’est une des choses les plus frappantes lorsque l’on débarque dans la capitale, Ouagadougou, on a l’impression qu’il y plus de petites échoppes que d’habitants (« maquis » où boire et manger, vente de produits très divers, salons de coiffure, bouteilles de « carburant » de fortune pour les mobylettes…) que chaque personne dans la rue a quelque chose à vendre (cartes téléphoniques, fruits, ceintures, prostitution…), chaque immeuble a son gardien tout comme chaque voiture qui se gare sans oublier les porteurs de marchandises, collecteurs de déchets et autres « gens de maison »…
Loin d’être marginal, ce travail informel constitue l’un des aspects majeurs de la vie économique et sociale du Burkina. En effet, l’informel occuperait 80% de la population active et représente 27% du PIB (le reste se partageant entre exportations et aides extérieures) derrière l’agriculture et l’élevage, c’est le troisième secteur le plus puissant de l’économie nationale [1]]. En plus de ne permettre aucune protection sociale, le travail informel s’effectue en marge de toute législation du travail tant au niveau des conditions de sécurité, du temps de travail que de la rémunération qui n’atteint bien souvent pas le SMIC (plus ou moins 22.000 francs CFA, soit 33€ par mois !).
Malgré tout, face à cette situation les syndicats, qui comprennent des représentants de l’informel, poussent les travailleurs de ce secteur à s’organiser en corps de métiers ou en groupements professionnels notamment afin de faire valoir leur intérêt au près des pouvoirs publics : de la revendication à une protection sociale au niveau national en passant par des choses très concrètes comme faire pression pour obtenir des reçus de paiements de diverses taxes et redevances réclamées par les autorités locales (emplacement, éclairages…) afin d’éviter des abus de celles-ci.
Le travail informel en tant que manière de survivre pour les exclus du marché et de la mondialisation témoigne sans doute également, au-delà du seul point de vue économique, d’un mode de fonctionnement plus profond de la société africaine , basé sur les réseaux traditionnels et familiaux qui échappent à nos conceptions occidentales de citoyenneté, d’Etat et de la place du travail dans la société. Toutefois en fonctionnant visiblement par fragmentation du travail existant et donc, par division des revenus, il est probable qu’en même temps l’informel dissolve ces réseaux de solidarité traditionnelle et, en l’absence totale de droits du travail, constitue en fait une multitude de réseaux d’exploitation invisible [2]]. Le problème est de savoir pourquoi le développement de ce secteur informel a pris une telle ampleur. L’autre grande difficulté à laquelle sont confrontés nos partenaires syndicalistes, que nous allons maintenant développer, apporte sans doute un élément de réponse
Une industrie embryonnaire subissant la crise et la mondialisation
Après les nombreuses manifestations contre « la vie chère » qui ont eu lieu dans le pays en 2008, dévaluation monétaire et forte hausse du prix des denrées de première nécessité font toujours sentir leurs effets. De plus, dans les entreprises que nous avons visitées, on nous a dit avoir durement ressenti la dernière crise financière mondiale. Comme dans la tannerie Tan-Aliz de Ouagadougou où 90 travailleurs viennent de se retrouver en chômage technique suite à la baisse de demande des clients européens fabricants de sacs et d’autres articles de maroquinerie.
Comme nous l’a expliqué un responsable local de la CNTB dans la région de Bobodioulasso (2ème ville du pays et anciennement capitale industrielle) où l’industrie est particulièrement en déclin (voir en encadré ci-dessous l’interview d’une militante syndicale sur la délocalisation de l’entreprise Savana) , le Burkina s’est ouvert beaucoup trop vite à la concurrence mondiale poussé par le pouvoir en place suivant la doctrine libérale encouragée par les grands bailleurs de fonds internationaux tels que le FMI et la Banque Mondiale et leurs fameux « Plans d’Ajustements Structurels » [3]] .
L’économie burkinabé n’était pas prête et l’accompagnement de l’Etat s’est avéré largement insuffisant. Le pays n’a pu faire face à la concurrence de voisins plus importants comme la Côte d’Ivoire ou par exemple, comme on nous l’a expliqué, face à l’arrivée de mobylettes chinoises bon marché qui a précipité la fermeture d’entreprises d’assemblage locales. Au cours d’une visite d’une entreprise de production de sucre à partir de cannes, premier employeur après l’Etat dans la région de Banfora, les délégués nous ont appris que l’usine venait d’être reprise par un investisseur du Qatar entraînant énormément de difficultés syndicales y compris même le droit de se réunir…de nombreux exemples nous ont été ainsi donnés de secteurs entiers de l’économie nationale libéralisés et appartenant désormais à des capitaux étrangers : production de coton, téléphonie, chemin de fer…
Par rapport à cette situation les syndicats sont face à d’énormes difficultés pour mobiliser et organiser les travailleurs dans la défense de leurs intérêts. Manque de formation et de connaissance de leurs droits (rappelons que le taux d’alphabétisation ne dépasserait pas un quart de la population du pays), mais surtout grosse difficulté à récolter des cotisations, vu le poids du secteur informel notamment, et donc à dégager les moyens nécessaires par exemple au soutien d’une grève. Parfois cette difficulté à s’affilier est doublée d’une crainte d’être mal vu par son patron mais aussi par le pouvoir politique local comme nous l’ont raconté avec humour des responsables syndicaux locaux que certains de leurs militants faisaient semblant de ne pas reconnaître sur la place les jours de marché…
Libertés syndicales et relations avec le pouvoir public
Durant nos nombreuses rencontres avec des syndicalistes nous avons entendu plusieurs témoignages concernant des atteintes aux libertés syndicales : impossibilité de se réunir comme cité plus haut, syndicalistes menacés et même « coursés par des 4X4 » !, journaliste de la capitale muté « en brousse » dans une lointaine province, ministre démis de ses fonctions pour avoir pris le parti de travailleurs licenciés, peur d’être « fiché » ou encore impossibilité de faire grève sous peine d’avoir affaire à la police pour les travailleurs d’un secteur sensible comme ceux qui travaillent à l’aéroport de Ouagadougou (le Burkina est un pays « enclavé »)…
À côté de cela, lors d’une rencontre, avec le Ministre du travail, organisée par nos partenaires, nous avons pu percevoir une certaine volonté du pouvoir public de collaborer avec les syndicats et les mouvements mutuellistes en vue de l’élaboration d’un système d’assurance maladie et du respect des conditions de travail (envoi d’inspecteurs du travail, encore trop peu nombreux , sur le terrain) ou de la construction d’un dialogue social (rencontres annuelles entre syndicats, employeurs et gouvernement, représentation des syndicats dans des tribunaux du travail…). Citons aussi l’organisation d’un colloque international sur le travail décent organisé par le BIT à Ouagadougou le 2 décembre et auquel deux d’entre nous ont eu la chance de participer [4]].
L’Action Mutuelliste
Le Réseau d’Appui aux Mutuelles de Santé (RAMS) a pour but de soutenir la création et le développement de celles-ci pour organiser et faciliter l’accessibilité financière de la population aux soins de santé. Le RAMS appuie une soixantaine de Mutuelles au Burkina qui permettent de couvrir des dizaines de milliers d’affiliés. La création de ces mutuelles et leur implantation locale se fait à partir de réseaux associatifs (groupement de corps de métiers, syndicats, groupements de femmes…). Des frais d’adhésion par famille sont demandés en plus d’une cotisation annuelle par personne ce qui permet de couvrir la plupart du temps jusqu’à 80% des frais principalement de prescription de médicaments génériques et de consultation dans divers centres de santé.
Difficultés d’accès financiers aux soins de santé
Rappelons quelques éléments qui nous ont été donnés sur la santé au Burkina : grosse partie de la population qui n’a pas accès à l’eau potable surtout en milieu rural, manque énorme de personnel médical (1 médecin pour 10.000 habitants selon l’OMS), 4% de la population atteinte par le SIDA et une espérances de vie dépassant à peine les 50 ans.
Situation dont nous avons pu très partiellement prendre la mesure en visitant un hôpital de Ouagadougou dont la maternité compte…une vingtaine de lits. Les principales causes de consultations aux urgences sont celles qui réclament le plus de soins dans l’ensemble de la population : paludisme (malaria), infections respiratoires et dysenteries.
De plus, par définition les travailleurs de l’informel (la majeure partie) ne bénéficient d’aucune protection sociale. Quant à celle dont bénéficie actuellement la minorité du secteur formel, fonctionnaires en particulier, elle ne couvre pas les risques de santé autres que professionnels.
Les vendeurs de rue de médicaments constituent également un aspect du problème. Ces médicaments vendus dans la rue beaucoup moins chers que dans le commerce et donc beaucoup plus accessibles, présentent de grands risques d’être périmés, inadéquats voir pire. A ce propos, lors d’un festival de films d’animation à Ouagadougou nous avons eu l’occasion de voir un documentaire de prévention sur ce genre de pratique dans lequel un vendeur de médicaments expliquait que ne sachant pas lire il lui suffisait de se fier au dessin sur la boîte de médicaments pour savoir lequel proposer à ses clients : une boîte de « femme qui se tient le ventre » pour les maux de ventre ou encore une pilule de « vieille femme qui court » pour la fatigue…
Des mutuelles organisées par des femmes en milieu rural
De nombreuses Mutuelles sont l’initiative de groupements de femmes défavorisées en milieu rural. C’est le cas de celles que nous avons visitées à Tanghin Dassouri, Kongoussi et Tenkodogo. Leur grande solidarité et leur dynamisme associatif et économique nous ont impressionnés au regard des difficultés très concrètes auxquelles les femmes qui font vivre ces mutuelles sont confrontées : besoin d’un coffre, sans lequel la trésorerie peut être risquée, avoir un semblant d’enseigne ou encore du matériel de gestion administrative. De plus l’éloignement parfois très important des centres de santé oblige bien souvent ces femmes à faire des dizaines de kilomètres à pieds en l’absence de moyens pour acheter une mobylette ou même un vélo. Ce problème de déplacement touche également la collecte des cotisations dans les différents villages et oblige bien souvent ces femmes à dormir là où elles se réunissent…quand elles ont la chance de disposer d’un local.
Micro-crédit et activités génératrices de revenus
Notons enfin que dans ces régions rurales où la capacité contributive est très faible et dépendante des récoltes agricoles, la mise en place de mutuelles se fait souvent en combinaison avec des activités génératrices de revenus. Ce qui nous amène à un dernier aspect de l’action des partenaires rencontrés au Burkina Faso, l’octroi de microcrédits qui permet aux bénéficiaires d’essayer de développer des activités génératrices de revenus. Ces activités se situent principalement dans le petit commerce de fruits et légumes ou d’eau potable par exemple, dans la transformation et le stockage de denrées alimentaires, dans la culture maraîchère comme dans les villages de Bam et Darigma ou encore dans la collecte et le recyclage de déchets comme expliqué lors d’une visite de la mutuelle de Tenkodogo.
L’association de femmes « Watinooma » de Kaya est également un bon exemple. A la fois mutuelle et guichet de microcrédit, c’est aussi un lieu où se donnent des cours d’alphabétisation et où, notamment, sont pris en charge les orphelins de membres décédés. Un lieu qui présente aussi un espace et du matériel permettant à plus de 300 femmes de développer des activités génératrices de revenus : élevage d’embouche, préparation du soumbala, exploitation de champs collectifs…
En conclusion
Ce genre de voyage permet évidemment de découvrir une réalité autre que la nôtre, en termes de pauvreté et d’inégalités énormes malheureusement mais aussi de richesses culturelles et sociales. Toutefois, au-delà de ces différences et du caractère forcément « déséquilibré » de nos rencontres, ce voyage nous a également permis d’apprécier les nombreux points communs entre nos revendications de mouvements sociaux ici et là-bas. C’est de cet aspect des échanges entre les organisations du MOC et leurs partenaires du Sud, ainsi que de l’intérêt de les soutenir que nous souhaitons particulièrement témoigner au terme de ce voyage.
Si vous faites partie d’un groupe que cela intéresse, les participants à ce voyage sont disponibles pour témoigner, répondre à vos questions et animer un échange autour de leur expérience à l’aide de photos et extraits filmés de ce voyage. Contact : Nicolas Laermans, 0498/17.18.50 ou par MAIL
[1] « Vision syndicale » n°3, mars 2007, « Burkina Faso : l’informel au coeur d’une nouvelle solidarité ». Périodique de la CSI (Confédération Syndicale Internationale) disponible ICI
[2] [ Lire à ce propos : « Le pire des mondes possibles », Mike Davis, Ed. La Découverte, 2007, p.182-213
[3] [Ces institutions financières internationales recommandent aux États surendettés auprès d’elles des réformes qui comportent presque systématiquement comme solution, pour rembourser leurs dettes et se développer économiquement, une stricte discipline budgétaire avec diminution des dépenses publiques, la promotion des exportations (au détriment parfois du marché intérieur), libéralisation des entreprises nationales et du commerce extérieur.
[4] [Réunissant grâce au BIT (Bureau International du Travail) représentants des travailleurs et des employeurs de 44 pays, en particuliers africains, ce colloque avait pour principal but de mettre en place des stratégies communes de mise en œuvre du « Pacte mondial pour l’emploi » adopté en juin à Genève.
En effet, la crise mondiale de l’emploi a fait l’objet d’un sommet en juin 2009 à Genève, à l’initiative de l’OIT (Organisation internationale du travail). Le but était d’adopter un Pacte mondial pour l’emploi afin de favoriser une reprise rapide de l’emploi durement frappé par la crise financière internationale.
Le colloque faisait également suite à un sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine en septembre 2004, encore à Ouagadougou, qui mettait, pour la première fois, la protection sociale et le travail décent à l’agenda du développement du continent.